À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
Hans Reichet reçoit un jour à sa boutique un officier retraité, Alphonse Pénaud, qui lui demande de fabriquer le tissu des ailes de l’engin qui doit lui permettre de voler. Au jour prévu pour l’essai, Hans remplace Pénaud, absent. Il s’élance de la tour Eiffel et s’écrase au sol. Quelques décennies plus tard, le professeur Chainey, alias Hans Reichet, propose le vol à des villageois.
Commentaires
Voilà une nouvelle pour le moins étrange qui ne tient pas ses promesses de départ. « La Chasse » fait penser aux petites nouvelles insolites de Gene Wolfe à l’époque de Galaxie. Que Michel Lamontagne utilise une stratégie littéraire visant à déjouer les attentes du lecteur, c’est son droit. Mais son récit manque de cohérence interne et il souffre d’une trop grande dose d’arbitraire.
Les personnages sont concernés au premier chef par ce problème. Ils agissent aléatoirement et manquent de crédibilité. Les motivations de Hans apparaissent floues, voire contradictoires. Comment croire à la fin qu’il soit guidé par la cupidité ? Comment imaginer un pauvre village de pêcheurs dont les maisons contiendraient de l’argent et des bijoux ? La logique interne du récit ne tient absolument pas.
Lamontagne esquisse des concepts intéressants comme le vol et la chasse mais leur manque de définition et leur utilisation insatisfaisante les rendent virtuellement inopérants. Là où Alain Tanner avait réussi, dans Les Années-lumière, à ennoblir ces aspirations, à conférer à ces exigences une portée mystique et métaphysique, les motivations des personnages de Lamontagne débouchent sur des préoccupations sordides, bassement matérialistes. Le fond du texte dément les prémisses et nous laisse un goût amer dans la bouche, comme une déception.
Ne doit-on pas voir dans le cheminement de Hans une illustration de la société d’aujourd’hui qui a troqué ses valeurs morales pour des valeurs moins estimables ? C’est une déception amoureuse et l’espoir de reconquérir sa fiancée qui conduisent Hans à tenter l’essai du vol tandis que c’est peut-être en trompant les gens que Chainey sauve sa vie et semble repousser l’échéance de la mort.
Restent finalement les atmosphères que l’auteur sait rendre avec un talent certain. C’est peu quand on pense au profit qu’aurait pu tirer Lamontagne d’un projet aussi riche s’il n’avait pas succombé à la facilité et opté pour le cynisme. [RB]
- Source : L'ASFFQ 1987, Le Passeur, p. 106-107.