À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
La princesse Szenia est l’héritière du royaume d’Eghantik. Elle est aussi l’Élue d’Occus, une magicienne puissante désignée pour faire pencher la balance en faveur du Bien. Revenue de son exil, elle doit faire face aux menées de son oncle Esfald, un puissant sorcier qui a choisi le camp du Mal en employant la magie à des fins meurtrières. Mais Szenia a appris à maîtriser la magie des pierres magiques appelées crystales.
Szenia est à Creuse-Vallée pour solliciter l’appui politique du prince Altrabir lorsqu’ils apprennent que la place forte frontalière de Laudon est tombée aux mains d’Esfald. Altrabir décide aussitôt de lever une armée, de placer la jeune Szenia à sa tête et de partir reconquérir le château d’Amitié de Laudon. L’hiver n’est pas terminé, ce qui rend l’entreprise risquée, et l’armée de Szenia se heurte à des remparts bien défendus. À l’intérieur du château, un magicien renégat du nom de Velten déchaîne contre eux la magie des crystales sauvages.
Même avec l’aide d’un demi-dieu magicien, Szenia ne pourra s’en tirer qu’en recrutant des rebelles qui acceptent une trêve avec l’armée royale afin de chasser les hommes d’Esfald de Laudon. En échange, les rebelles révèlent à Szenia le secret d’un souterrain qui permet de pénétrer jusqu’au cœur du château.
Szenia mène l’assaut, mais elle ne livre bataille que dans le monde de la magie. Et Velten n’est pas l’ennemi, mais la puissance des crystales sauvages qui manquent l’asservir. Quand la victoire est acquise, quoique chèrement payée, la princesse découvre avec soulagement que l’espoir est au rendez-vous, ainsi que l’assurance qu’elle saura désormais se battre pour vaincre Esfald.
Commentaires
Julie Martel s’aventure dans un genre très peu exploité au Canada francophone, celui du fantastique épique. Si on ne tient pas compte des romans d’Yves Meynard, qui sont plus proches des sources européennes du merveilleux, il n’y a guère que Joël Champetier et Philippe Gauthier qui aient tenté d’adapter pour les lecteurs d’ici les schémas héroïques de Tolkien et de ses émules.
En lisant ce roman de Julie Martel, on songe entre autres aux Chroniques de Thomas l’Incrédule de Stephen Donaldson, où la magie sauvage joue un grand rôle. Ce qui frappe, c’est l’intensité de l’action dans une histoire destinée aux jeunes. Szenia se retrouve à la tête d’une armée engagée un peu témérairement dans un siège qui risque de mal finir. L’hiver tire à sa fin, les troupes d’Esfald s’approchent et le château d’Amitié résiste encore.
Martel brosse des scènes de bataille plutôt réalistes et l’affrontement ultime à l’intérieur du château n’occupe pas moins des deux cinquièmes du livre. L’auteure a donc tout juste la place de développer le personnage de Szenia, qui doute de ses capacités guerrières et de sa détermination à triompher d’Esfald. En fait, il s’agit du type d’histoire qui a pour sujet habituel un jeune homme envoyé à la guerre alors qu’il doute de son courage. (Dans The Great Game, l’auteur canadien Dave Duncan signe une variation intéressante sur ce thème.) De nos jours, les ouvrages célébrant aussi franchement la bravoure et la victoire à la guerre sont plutôt rares, mais le choix de faire du héros une jeune magicienne rend une certaine fraîcheur à l’apprentissage guerrier de Szenia.
Martel n’ignore pas les horreurs de la guerre, mais elle insiste aussi sur la jubilation de la victoire : « La guerre, ce n’était pas que les longues attentes devant des remparts gris et les horribles gémissements de la mort. C’était aussi ces moments où l’on se sentait plus vivant simplement parce que l’on avait réussi à survivre pour gagner. » (p. 131)
Les autres personnages sont pour la plupart des figurants. Le principal allié de Szenia est Paktri-Raa, un demi-dieu magicien qui cache son identité et qui révèle une facette de son passé. Quelques autres personnages se détachent du lot : le prince Altrabir, habile et ambitieux ; sa jeune fille, Zeli, qui idéalise son amie Szenia ; le mystérieux Vagabond qui est à la tête des rebelles. Malgré le peu de place dont elle dispose, Martel parvient à individualiser plusieurs des compagnons de Szenia.
Mais Le Château d’Amitié est avant tout un récit guerrier, qu’il faut juger sur ses péripéties. Martel ne renouvelle pas le genre : assaut frontal infructueux, contre-attaque magique des assiégés, assaut final qui se fait par un souterrain oublié… Cependant, la lutte magique que Szenia mène en parallèle avec l’infiltration du château est plus passionnante.
Le siège du château d’Amitié apparaît comme le prologue de la guerre finale entre Szenia et son oncle malfaisant. De ce point de vue, le roman de Martel joue son rôle, soit celui de donner aux amateurs du genre le goût de poursuivre la lecture des aventures de Szenia, dont certains épisodes ont déjà été racontés dans La Quête de la crystale et Un traître au temple. [JLT]
- Source : L'ASFFQ 1998, Alire, p. 108-110.
Références
- Fortin, Mathieu, Brins d'éternité 7, p. 16.
- Spehner, Laurine, Lurelu, vol. 21, n˚ 2, p. 29.