À propos de cette édition

Éditeur
L'Actuelle
Genre
Fantastique
Longueur
Novella
Paru dans
Fréquences interdites
Pagination
79-160
Lieu
Montréal
Année de parution
1974
Support
Papier

Résumé/Sommaire

Un homme et son chien s’échappent d’une cage dans laquelle ils sont prisonniers, puis se retrouvent dans un château mystérieux. Alors qu’ils se promènent dans l’édifice, ils subissent des transformations physiques, l’homme de­venant chien et le chien devenant homme. Au centre du château, ils trouvent une bibliothèque, où ils meurent tous les deux. Alors qu’ils agonisent, ils ressassent mentalement les événements qui les ont menés jusque-là.

Commentaires

Le livre de Paul-André Bibeau est divisé en deux textes indépendants, mais fortement reliés par leurs thématiques. Chaque texte – j’hésite à utiliser les termes nouvelle ou novella : ne s’agit-il pas, plutôt, de longs poèmes en prose ? – traite à sa manière du déclin de la conscience et de la déconstruction de l’individu à travers un flânage psychique et surréaliste, où les protagonistes assistent (plus qu’ils n’y participent) à des scènes étranges, tirées soit de leur inconscient (comme dans le premier texte, « Fréquences interdites »), soit de leur mémoire (ce qui est le cas dans « Le Château d’ombre »).

En fait, les deux textes sont à ce point sem­blables thématiquement qu’on pourrait croire que l’un est le miroir de l’autre, qu’ils mettent tous les deux en scène la même histoire, mais racontée à partir de différents points de vue. Cette impression est renforcée par le fait que les deux textes sont particulièrement hermétiques, à un point tel que toute tentative de les résumer est plutôt hasardeuse.

Les deux fictions se rejoignent aussi dans le choix de leurs stratégies narratives. On observe notamment une utilisation abondante de l’interruption, sur le plan des idées (les narrateurs se lancent fréquemment dans des courants de conscience où se bousculent diverses pensées), du récit (parfois, les lieux changent brusquement autour des personnages sans que ceux-ci ne se déplacent physiquement) ou même des phrases (il y a une pléthore de points de suspension). Le procédé agace rapidement, surtout dans ses manifestations syntaxiques, où il s’accompagne presque systématiquement de la répétition d’une partie de la phrase interrompue (ou encore de la reprise de la phrase, quand celle-ci a été coupée en son début), probablement dans le but de créer un effet dramatique ou poétique. Dans un cas comme dans l’autre, c’est rarement réussi.

La dimension fantastique est plutôt mince, tenant principalement à la nature psychique du cheminement des protagonistes. Il n’y a pas d’exploitation de concepts fantastiques, pas de novum surnaturel, pas de cadre réaliste pouvant servir à une mise en relief : c’est plutôt à travers une série de sous-entendus qu’on comprend que les personnages se meurent et qu’ils explorent une représentation tangible de leur monde psychique. Dans « Le Château d’ombre », cependant, la présence du chien permet au récit d’utiliser le trope fantastique de la métamorphose de l’homme à l’animal, et inversement – ou est-ce plutôt l’échange de conscience ? C’est prodigieusement confus –, pour illustrer à la fois la perte de repères du narrateur et l’effacement des frontières de son individualité. Les transformations (ou transferts, selon l’interprétation) tiennent toutefois davantage de la fantaisie narrative que de l’événement diégétique, et n’ont strictement aucune conséquence sur le développement de l’histoire. [GV]