À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
Dans un monde de poussière et de brume, il ne se souvient que d’une chose, son nom : Tanoux. Quand il l’apprend, Test, le sombre maître du château de fer, veut le punir de cette revendication illégitime car il a compris “Ishtanu”, Dieu-Soleil. Fait prisonnier, Tanoux trouve une alliée en Nassia, fille de Test, qui l’aide à vaincre son père. Cependant, le monde des ténèbres persistera, dans un cycle infernal. Car Shauska, fille de Nassia, est enceinte de son grand-père…
Commentaires
Pour son premier texte de fantasy, Francine Pelletier propose une variation sur le thème de la lutte entre le Bien et le Mal. Dualisme classique, mais traitement intéressant : une écriture assez coulante, la forme onirique et l’incertitude qui en découle évitent de faire sombrer le texte dans un manichéisme lourd.
C’est indirectement que l’auteur introduit la lutte entre les ténèbres et la lumière. Le récit se dévoile peu à peu en s’élançant du secondaire (agissements de personnages subalternes) pour conduire au cœur du texte, le rêve donné en conclusion. Celui-ci indique le caractère irrémédiable du cycle Bien/Mal et surtout, le triomphe de la noirceur sur l’espoir de la lumière.
À cet égard, le choix du titre apparaît judicieux en ce qu’il démontre le propos du récit. Le château de fer fonde le texte. Sa matière même révèle la dualité inextricable du Bien et du Mal. Plongé dans l’ombre, le fer est froid ; sa couleur relève de la lutte, de l’arme – c’est le monde de Test. Mais il devient chaud et lumineux en présence du soleil ; il en reflète les rayons et éblouit Tanoux – c’est le domaine de Nassia. Le château donne de plus au rêve un aspect prémonitoire : il apparaît à Tanoux sous la forme d’une lueur dans le nuage de poussière.
Actualisations de l’antagonisme obscurité/clarté, les personnages semblent laissés en plan. Loin d’être le protagoniste principal du texte, Tanoux apparaît comme un être qui tire sa force de Nassia, même s’il est soupçonné d’être dieu. Nassia serait donc le pivot central ; sa force spirituelle, sa luminosité et l’espace narratif qu’elle occupe corroborent cette idée. Or, en ce qu’elle participe à la fois du Bien et du Mal, Shauska se pose comme le véritable personnage charnière : « Selon son penchant, on voyait briller le soleil ou s’étaler le brouillard ». (p. 12) Mais ce personnage demeure peu développé, en suspens, malgré une relation plus que chargée avec sa mère. Les personnages principaux voient leur portée étouffée par un manque de relief dans le traitement fictionnel et par une trop grande attention accordée aux personnages secondaires comme Hurri, soldat de garde.
Le caractère incomplet du récit, le manque d’approfondissement de certains personnages semblent voulus chez l’auteure. Ne s’agit-il pas d’un rêve ? Le récit onirique supporte bien les lacunes narratives ; il invite à l’interprétation des déplacements textuels. C’est de manière atténuée que l’auteure met en scène le désir du meurtre paternel par la fille. Pour se réaliser, il doit passer par un homme, sans puissance propre.
En perpétuant la lignée du Père, la petite-fille rend ce désir impossible, déjoue la puissance de la femme sur la figure paternelle. Elle va là où Nassia ne peut aller. Et l’inceste, de là, renforce l’interdit du meurtre, empêche la libération. D’où ce monde de poussière et de ténèbres.
Par ailleurs, le rêve ajoute une dimension intemporelle à la marche incessante de Tanoux. Il maintient toujours la possibilité qu’il soit véritablement Ishtanu, et débouche ainsi sur le mythe. Mais cette ouverture nous apparaît entravée par l’artifice même du rêve.
Malgré ces quelques réticences, « Le Château de fer » manifeste chez Francine Pelletier un souffle indéniable et un imaginaire florissant. [SB]
- Source : L'ASFFQ 1988, Le Passeur, p. 134-135.