À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
En compagnie d’Alys, Télem poursuit son apprentissage de la magie dans l’île de Gort où est situé le collège des magiciens. Ses relations avec la jeune femme se sont détériorées depuis quelque temps et il constate qu’elle lui préfère de plus en plus la présence de Ghen, un jeune garçon nouvellement arrivé dans l’île pour recevoir l’enseignement des maîtres. Puis, Alys est saisie d’un mal soudain qui la plonge dans un état de fièvre et de grande torpeur. Il apparaît bientôt évident qu’elle est possédée par un démon envoyé par le Duc-magicien Prentziq que Télem croyait avoir vaincu définitivement lors du siège d’Arieste. N’écoutant que son amour pour Alys, le jeune magicien entreprend un voyage qui le mène au Château de Fer du magicien renégat dans le royaume d’Erkléion. Il parvient à délivrer Alys du sort qui la frappait mais il est fait prisonnier par Prentziq dans sa forteresse.
Mise au courant de la mission de Télem, la jeune magicienne spécialiste des animaux et de la nature défie l’autorité de l’Archimage Éléonora et se met en route vers le repaire de Prentziq. Chemin faisant, elle recueille une jument blessée, Hiipti, et un cheval de guerre épouvanté, Héoinn, et décide de se métamorphoser en cheval pour échapper à la surveillance du Duc-magicien. Arrivée à proximité du Château, Alys utilise ses dons pour rassembler une armée d’animaux qui donnera l’assaut à l’étrange forteresse qui se révèle construite sur des couches successives d’illusions. Mais la puissance de Prentziq est grande et la troupe doit retraiter pour éviter des pertes considérables.
Pendant ce temps, les illusions du magicien renégat étant en partie altérées, Télem constate que sa prison et ses chaînes sont factices. Avec l’aide d’Alys et de l’anneau de Qader, Télem terrasse Prentziq qui est avalé par le chaos. Cependant, Télem n’a pas recouvré toute son énergie et continue de remettre en question ses responsabilités de magicien et d’héritier de Qader. Alys trouve alors dans les décombres du Château de Fer un petit cristal dans lequel est emprisonné un démon qui tourmente l’esprit de Télem. Le dernier sortilège de Prentziq, qui avait brouillé les relations du couple, est enfin rompu.
Commentaires
Le Château de Fer est la suite de L’Héritage de Qader. On se souviendra qu’à la fin du premier roman, le Duc-magicien Prentziq avait été vaincu par Télem et précipité dans le chaos. Or la puissance du magicien lui a permis d’échapper au néant et de mettre en œuvre un plan pour se venger de Télem et prendre possession de l’anneau de Qader.
Mais alors que le premier épisode mettait en vedette le jeune magicien, le second épisode accorde une place tout aussi importante à Alys, l’amie de cœur de Télem. La jeune femme démontre beaucoup de caractère et est dotée d’une personnalité si forte et attachante qu’elle se révèle plus intéressante en définitive que celle de Télem. Sans doute faudra-t-il compter avec elle dans la suite de l’histoire car suite il y aura fort probablement, Télem étant convoqué à Arieste par Freya à la fin du récit.
Le Château de Fer comporte sensiblement les mêmes défauts et les mêmes qualités que le roman précédent. Normal puisqu’il met en scène à peu près les mêmes personnages et aborde les mêmes thèmes, soit le combat entre le Bien et le Mal, le sens des responsabilités et le respect de la nature. Dans la colonne des passifs, donc, l’écriture terne de Philippe Gauthier qui affiche en outre un laisser-aller déplorable et un manque de concentration sur le plan de l’orthographe. Les mêmes informations sont répétées à plusieurs reprises et il n’est pas rare de trouver des phrases de ce genre : « […] protesta Télem, qui se souvint, à l’instant même qu’il avait eu un moment d’hésitation au moment où il avait levé le sortilège. »
De plus, le récit compte quelques invraisemblances gênantes. À un moment donné, Alys songe à se métamorphoser en souris afin de traverser les lignes dressées par les soldats qui encerclent le Château de Fer à une distance d’un demi-mille. Or les soldats ne sont que quelques centaines de sorte que la surveillance peut être facilement déjouée.
Quant à la communication qui s’établit entre Alys transformée en cheval et ses deux compagnons de route, Hiipti et Héoinn, elle exige de la part du lecteur qu’il suspende tout sens critique. Il n’est certes pas facile de prêter la parole à des chevaux, sauf si le récit emprunte la forme d’une fable, mais tant qu’à faire, l’auteur aurait pu, dans ce roman qui manque singulièrement d’humour, les faire parler en joual…
Dans la colonne des actifs, il faut souligner le rythme soutenu du récit et quelques trouvailles ingénieuses. La métamorphose d’Alys en cheval en est une car elle change le regard qu’elle porte sur les choses qui l’entourent. L’auteur possède également cette facilité à faire vivre les lieux dans lesquels se déplacent ses personnages. Cette qualité est peut-être tributaire du courant de pensée qui se dégage du roman de Gauthier. Je veux parler de ce respect de la nature, de cette constante préoccupation pour l’environnement qui est à l’origine du plaidoyer en faveur de la magie douce dont Le Château de Fer se fait porteur. Respect de la nature, ce qui signifie aussi respect de la vie animale. À cet égard, l’attachement sincère d’Alys pour l’armée d’animaux qu’elle a mobilisés contre Prentziq apparaît exemplaire.
Cette magie écologique, qui ne constitue jamais une menace contrairement à la magie de Prentziq et de ses semblables qui est source de chaos, représente l’aspect le plus original de l’œuvre de Philippe Gauthier. Certes, dans tous les romans de fantastique épique, l’ordre et le bon droit sont dans le camp du Bien mais il y a ici une prédisposition plus soutenue, plus attentive à la nécessité de préserver l’intégrité de la nature. Dans le monde actuel où toutes les raisons sont bonnes pour détruire l’environnement, il est rafraîchissant d’entendre ce type de discours.
Que Philippe Gauthier ait choisi le cadre de l’heroic fantasy, un genre aux règles surdéterminées, pour le formuler démontre qu’il n’a pas peur des défis. Le risque était peut-être encore plus grand que celui qu’a pris Francis Dupuis-Déri avec L’Erreur humaine dans un genre, la fable utopique, qui se prête mieux à ce type de préoccupations. [CJ]
- Source : L'ASFFQ 1991, Le Passeur, p. 81-83.
Références
- Gladu, Johanne, Lurelu, vol. 14, n˚ 2, p. 18.
- Le Brun, Claire, imagine… 57, p. 95-96.
- Martel, Julie, Solaris 96, p. 20.
- Sarfati, Sonia, La Presse, 23-06-1991, p. C 3.