À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
Au XVe siècle, un jeune homme, Paolo d’Oliveira, entre dans les ordres pour satisfaire sa curiosité intellectuelle. Après avoir fait le tour des connaissances livresques, il aborde les sciences occultes en y poursuivant des recherches personnelles qui l’amènent à doter d’une vie propre des objets inanimés. Un jour, il fabrique un lévrier d’or pour répondre au voeu de la déesse Diane. L’oncle et protecteur de Paolo, Mgr Nobre, sera victime de son amour immodéré pour l’or…
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Si Pierre Karch est à la ville comme dans « Le Chien d’Évora », on l’imagine facilement fin causeur, racé et spirituel. Cette nouvelle enjouée révèle en effet un esprit pétillant qui sait manier le style. « Sa mère le vouait à l’Église, car elle voulait que le fruit de ses entrailles fût savant et eût couche molle, ce qui l’aurait dédommagé un peu de la vie qu’elle menait parmi les bêtes. »
Certes, le thème de la nouvelle est plutôt banal en soi, mais l’auteur retient notre attention grâce à une écriture élégante et légèrement affectée, voire précieuse, qui rend bien l’esprit de l’époque qu’il décrit. Le titre, en voulant miser sur un jeu de mots, annonce le dénouement. Par contre, comme il ne s’agit pas vraiment d’une histoire à chute, cela ne tire pas à conséquence.
L’intérêt réside donc dans l’écriture et dans les petits détails qui constituent le sous-texte du récit. Ainsi, l’auteur en profite pour dépeindre sommairement la caste religieuse qui représentait l’élite de cette société. Il ne faut pas s’attendre toutefois à un pamphlet anticlérical : Pierre Karch n’est pas Georges Brassens.
Le nouvelliste ne se livre pas à une charge féroce contre le haut clergé mais il ne manque pas de relever le rôle important joué par Mgr Nobre dans l’Inquisition et le goût du faste et de l’or chez les évêques. En même temps, la manifestation de la déesse Diane qui interpelle Paolo d’Oliveira souligne la persistance de l’esprit païen dans la société très chrétienne du Portugal et constitue un pied de nez aux grands prêtres de l’Inquisition prompts à condamner les hérétiques. Elle nous rappelle aussi que Karch est un produit des collèges classiques et qu’il a fait ses humanités.
Alchimie et occultisme s’unissent dans « Le Chien d’Évora » pour composer un fantastique traditionnel certes, mais qui en raison de l’époque et du cadre européen, s’éloigne grandement de la tradition orale des contes québécois du XIXe siècle. Il s’agit ici d’un fantastique historique littéraire qui traduit la fin d’un monde marqué par l’obscurantisme religieux et annonce un nouvel ordre social façonné par les découvertes scientifiques.
« Le Chien d’Évora » a valu à Pierre Karch l’un des trois prix du Concours de nouvelles Belle Gueule 1990. Il ne l’a pas volé. [CJ]
- Source : L'ASFFQ 1990, Le Passeur, p. 105.