À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
Hillar Kerkovius est astronome à bord de la stellanef Alexandrie et il rêve de voir des étoiles de ses propres yeux. Mais les humains qui l’accompagnent ont renoncé à coloniser une planète et ne songent qu’à fuir le plus loin possible pour échapper à l’hégémonie des Suprémates. Kerkovius parvient à quitter l’Alexandrie en compagnie de sa fille Marang au moyen d’une sonde qu’il a transformée secrètement en capsule spatiale. Rescapé par un astronef de Midgard, Kerkovius consent à livrer à ses sauveteurs le secret de la matière étrange et des super-atomes. Arrivés à destination du pulsar identifié par l’astronome, les Midgardiens constatent qu’ils ont été devancés…
Commentaires
Petite mise au point préliminaire : je ne suis pas un spécialiste de la hard SF à laquelle cette nouvelle de Jean-Louis Trudel appartient. J’imagine que l’auteur s’est beaucoup amusé à élaborer cette spéculation scientifique en mettant à profit ses études en physique et en astronomie. Or c’est ce que le lecteur de hard SF recherche et, à cet égard, Trudel livre la marchandise.
Il spécule sur la création de super-atomes (ailleurs, il parle d’« éléments transuraniens stables ») et de matière étrange à la suite d’une collision frontale entre deux pulsars. Et ce coup de billard interstellaire aurait été provoqué par une civilisation maintenant disparue… L’ami Jean-Louis s’amuse donc, de façon tout à fait légitime, à jouer les démiurges… en oubliant qu’il est aussi écrivain.
Le premier tiers de la nouvelle, qui brosse l’itinéraire professionnel et sentimental de Kerkovius et le contexte du voyage de la stellanef, est longuet et manque de dynamisme. Ce n’est qu’avec la fuite de l’astronome que le récit parvient à susciter un certain suspense.
Par ailleurs, les notions scientifiques qui servent d’assises à ce récit ne sont pas toutes bien expliquées. Si le fonctionnement de l’entonnoir électromagnétique déployé devant la stellanef, de même que les conséquences d’une collision entre deux pulsars (élément clé de la théorie scientifique qui fait courir tout le monde) sont adéquatement décrits, on ne peut en dire autant de certaines autres notions qui semblent aller de soi pour l’auteur. Peut-être que celles-ci sont très familières aux lecteurs de ce type de nouvelles et qu’il n’est pas nécessaire de les définir. Pour ma part, j’aurais bien aimé qu’on m’indique la différence entre vitesse supra-luminique, ultrarelativiste et relativiste, entre vitesse dans le surespace et vitesse dans l’espace einsteinien. Et quelques mots sur la classification des étoiles (naine blanche, géante rouge, etc.) n’auraient pas fait de tort. Ces informations ne sont certes pas indispensables à la compréhension de la nouvelle de Trudel mais elles en constituent le sel. Ne pas saisir, comme lecteur, ces petites subtilités diminue notre plaisir.
Dans un texte comme celui-ci, la psychologie des personnages demeure sommaire et leurs aspirations personnelles s’effacent devant les intérêts collectifs du groupe. Du moins, Kerkovius a-t-il pu réaliser son rêve et regagner l’admiration de sa fille mais le message que livre l’auteur transcende le destin individuel et concerne l’Humanité. C’est sans doute la raison pour laquelle il a ébauché la civilisation des Suprémates qu’il présente comme l’ennemi à craindre mais dont on n’entend plus parler par la suite, la menace venant plutôt des Humains eux-mêmes qui ont quitté la Terre.
Je ne serais pas surpris que « Le Choix du lion, le festin des chacals » s’inscrive dans un cycle de nouvelles décrivant l’essaimage de la civilisation humaine dans l’espace car ce texte lève brièvement le voile sur des civilisations autres (les Suprémates, les Avians) remplies de potentiel romanesque. Sinon, on ne voit pas pourquoi l’auteur ne livre qu’au compte-gouttes l’information sur la Volkswanderung. [CJ]
- Source : L'ASFFQ 1997, Alire, p. 171-172.