À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
Lucas, Tara et Corinne prennent place à bord de l’Aiguille qui se dirige au centre de la Terre. Leur mission : découvrir la masse du trou noir qui s’est abîmé au large des Açores quatre ans plus tôt et a perforé le noyau terrestre. Car un danger guette la Terre : en s’évaporant, le trou noir finira par exploser et provoquer une catastrophe écologique majeure dès qu’il aura atteint une certaine masse critique. De combien d’années les scientifiques disposent-ils pour trouver une solution ? C’est ce que l’équipage de l’Aiguille apprendra.
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Commentaires
Joël Champetier avait habitué ses lecteurs jusqu’ici à une SF d’aventure. Sans renier cet attachement, il aborde dans « Cœur de fer » des préoccupations plus graves. Il s’agit là d’un texte ambitieux qui étudie le rapport entre la science et la religion. Champetier démontre une audace rafraîchissante en traitant un tel thème alors que les questions religieuses ont été évacuées de la littérature québécoise depuis la laïcisation de la société.
Son personnage masculin, Lucas, est un mystique qui tente de réconcilier ses contradictions d’homme de science. L’auteur compose un personnage riche et complexe en rappelant quelques expériences qui ont marqué l’adolescence de Lucas. La nouvelle gravite véritablement autour de cet homme austère et tourmenté. Les deux personnages féminins apparaissent surtout comme des faire-valoir. Leur psychologie est beaucoup moins développée de sorte que Corinne et Tara projettent une personnalité falote malgré la détermination qu’elles affichent.
Il y a une scène capitale dans le récit qui révèle la dimension psychanalytique de ce voyage au centre de la Terre à la Jules Verne. En fait, il s’agit d’une scène onirique au cours de laquelle Lucas se voit réintégrer le sein maternel dont Corinne, à la faveur d’une tentative de séduction, est la représentation. Dès lors, l’association entre ce fantasme et le voyage initiatique au cœur de la Terre devient transparente, relayée par la couleur rouge sang et la chaleur communes aux deux univers, réel et imaginaire.
Cette scène éclaire l’attitude de Lucas dans ses rapports avec les femmes. Aspirant à la sainteté, il n’arrive pas à assumer ses pulsions sexuelles, ce qui le conduit, dans une situation particulièrement paroxystique, à tenter d’éliminer l’objet de sa tentation.
« Cœur de fer » est aussi un excellent texte de SF hard qui s’inscrit parfaitement dans le numéro spécial de Solaris consacré à ce sous-genre littéraire. Il correspond aux principales caractéristiques des nouvelles publiées dans Astounding/Analog identifiées par Guy Sirois dans le même numéro. Les éléments scientifiques abondants dont Champetier parsème son récit dénotent de sa part un travail sérieux de documentation. On y trouve des informations bien vulgarisées sur la naissance, la nature et la masse du trou noir, sur la composition des diverses couches de la Terre (la discontinuité de Mohorovicic, la discontinuité de Wiechert, la discontinuité de Repetti, le noyau externe et interne, la température de Hawking) et sur la composition du véhicule d’exploration. Qu’il s’agisse d’informations pseudo-scientifiques ou non importe peu : le résultat est fascinant.
Enfin, l’auteur pose la question de la responsabilité morale du scientifique : doit-il révéler aux habitants de la Terre l’éventualité d’une désintégration à laquelle la planète est condamnée dans deux cents ans ou doit-il se taire ? Ce genre de débat moral constitue une autre constante des nouvelles de Joël Champetier.
En somme, « Cœur de fer » s’impose par la complexité de son personnage masculin et la vraisemblance de son discours scientifique comme l’une des meilleures nouvelles de SF de l’année 1990 et confère à son auteur la première place parmi les écrivains de sa génération. [CJ]
- Source : L'ASFFQ 1990, Le Passeur, p. 51-52.
Prix et mentions
Prix Boréal 1991 (Meilleure nouvelle)