À propos de cette édition

Éditeur
XYZ
Genre
Fantastique
Longueur
Nouvelle
Paru dans
XYZ 34
Pagination
5-8
Lieu
Montréal
Année de parution
1993
Support
Papier

Résumé/Sommaire

Une adolescente passe ses étés en Allemagne. Mais rien n’y fait : la langue et les mœurs lui restent étrangères. Ainsi, la jeune fille accumule silencieusement les frustrations devant les étalages de fruits. C’est que là-bas, il est interdit de toucher avant d’acheter. Et les fruits qu’on lui remet dans un petit sac sont le plus souvent gâtés. Un jour, de belles pommes rouges apparaissent sur les étalages. Comme en son pays d’origine. La jeune fille en achète trois kilos. Sans doute y aura-t-il quelques pommes miraculées dans le lot. Alors qu’elle s’apprête à mordre dans sa première pomme, elle se rend compte que le fruit est meurtri. L’adolescente ne peut plus se contenir : elle se met à hurler, à injurier les marchands, à tout renverser. Mais les jurons surgissent en allemand, pire encore, dans un dialecte qu’elle ne connaît pas. Et il en va ainsi, depuis, pour toutes ses colères…

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Commentaires

Voilà une nouvelle étonnante, vraiment réussie. Diane-Monique Daviau conduit avec brio son lecteur jusqu’à la chute finale qui, par son caractère insolite, justifie le lien au fantastique. La situation vécue par la jeune étrangère n’a au départ rien de singulier. Des voyageurs québécois ont sans doute déjà ressenti quelque frustration à ne pouvoir toucher les fruits dans les marchés européens, ou ont peiné à apprendre l’allemand, « parce que les mots non plus, on n’arriv[e] pas à se les mettre en bouche ». Un des intérêts de « Colères ! » tient à ce lien sous-entendu et constant entre le fruit défendu – qui éveille les sens et invite au plaisir – et la langue qui se refuse à la voyageuse. D’ailleurs, il est amusant de constater que la connaissance (ici celle des jurons allemands) vient encore de la fameuse pomme…

Un autre parallèle s’établit entre la frustration croissante du personnage principal – précisons que la scène se déroule un peu avant mai 1968 – et les particularités du peuple québécois. Diane-Monique Daviau fait clairement allusion à l’attitude soumise des Québécois face à l’adversité : « On se taisait sans arrêt, on se taisait depuis toujours, d’ailleurs, on en avait l’habitude, on était poli, on était timide, et quand on avait trop de peine ou quelque chose en soi qui ressemblait à de la rage, on prenait une guitare ou un stylo ou de l’aquarelle et on créait quelque chose. » Ainsi, l’adolescente observe, écoute, se tient à l’écart ; parfois, elle ose demander à prendre les fruits pour mieux les choisir. Chaque fois, elle est rabrouée. Et lorsqu’elle risque l’achat, elle perd systématiquement au change. Les fruits finissent à la poubelle. Et la frustration et la colère de monter. En silence.

Diane-Monique Daviau excelle dans le texte court. La langue est riche, le récit mené avec intelligence et finesse. La tension monte progressivement, les sentiments de la jeune fille (exprimés au « je ») se fondent aux réflexions d’une autre narratrice (passages au « on »), comme s’il fallait ouvrir le propos à l’universalité. La double lecture se joue donc à plus d’un niveau. Et puis, comment ne pas apprécier la finale, cette petite revanche pour le moins inusitée… [RP]

  • Source : L'ASFFQ 1993, Alire, p. 68-69.