À propos de cette édition

Éditeur
Maska
Titre et numéro de la collection
Anticipation - 2
Genre
Science-fiction
Longueur
Nouvelle
Format
Fascicule
Pagination
32
Lieu
Montréal

Résumé/Sommaire

Retiré depuis deux ans dans son laboratoire, l’ingénieur de renom Karl Muller travaille à mettre au point un robot doté de capacités cognitives. Un soir, son ami Jean Labrosse le surprend en train de jouer une partie d’échecs avec Alpha qui se fâche à la suite d’un bon coup de Karl. Au cours des jours suivants, des meurtres sont commis et Jean soupçonne Alpha d’en être responsable. Karl nie dans un premier temps, puis avoue que sa créature a échappé à sa surveillance. Le robot revient vers son maître après avoir fait d’autres victimes et le tue avant de s’éteindre lui-même.

Commentaires

« Les Colères du robot », deuxième et dernier fascicule de la collection « Anticipation » des Éditions Maska, est l’histoire classique du savant animé d’une volonté démiurgique qui perd le contrôle de sa créature, laquelle se révolte ultimement contre son créateur. Le traitement, ici, n’est évidemment pas aussi riche que dans le roman de Mary Shelley, Frankenstein, auquel on pense spontanément.

Le seul sentiment humain que le robot réussit à exprimer est celui de la colère qu’il ne peut réprimer quand il est contrarié. C’est compréhensible quand il perd aux échecs mais pourquoi est-il le jouet de pulsions meurtrières qui l’amènent à tuer d’innocentes victimes ? En ne répondant pas à cette question, l’auteur renforce subtilement la réussite de Muller dont l’ambition est de créer un robot à l’image de l’homme. Or, combien de meurtres gratuits ne sont-ils pas commis par les humains ? Cette « humanisation » de la créature est par ailleurs réaffirmée à la fin quand Jean Labrosse, après avoir démonté les pièces du robot, va les enterrer dans le jardin de Muller, offrant symboliquement à Alpha le privilège d’une sépulture.

« Les Colères du robot » se situe certes très loin des histoires sophistiquées d’Isaac Asimov et des trois lois de la robotique mais Jules Simon amorce un début de réflexion sur l’éthique et la contribution de la science au progrès. Horrifié par les actes de sa créature, Muller se sent coupable de ces crimes mais Labrosse lui fait valoir le côté positif de son expérience : « Songe à la bombe atomique qui a quand même fait plus de victimes que ton Alpha… et pourtant, regarde tout ce dont la désintégration de la matière nous fait maintenant bénéficier ! »

La caractérisation des personnages est conforme aux modèles de représentation sociale qui ont cours au milieu du XXe siècle. Le savant est un Allemand dont les parents ont immigré au Canada, Jean Labrosse se pose en objecteur de conscience tout en étant le seul ami de Muller et Louise, femme, fille ou amante du savant, on ne sait trop – ce statut indéfini témoigne du peu d’importance que lui accorde l’auteur –, est réduite à un rôle passif en tant que béquille narrative. Si l’intrigue est simple et assez prévisible, il me semble qu’il y a chez l’auteur une authenticité dans sa pratique de l’écriture et un respect pour le lecteur.

Le fascicule n’est pas daté mais sa parution remonte vraisemblablement à 1953 puisque les Éditions Maska étaient publiées par le journal humoristique La Pie fondé à la fin de 1952 ou au début de 1953. Des séries du même éditeur sont annoncées dans des numéros de 1953 de l’hebdomadaire. Le récit de Jules Simon peut assurément être classé sous l’étiquette anticipation car il est postérieur à 1968. L’auteur mentionne en effet que les parents de Muller ont immigré au Canada en 1968 et qu’ils sont maintenant morts. [CJ]