À propos de cette édition

Éditeur
XYZ
Genre
Fantastique
Longueur
Nouvelle
Paru dans
XYZ 44
Pagination
7-11
Lieu
Montréal
Année de parution
1995
Support
Papier

Résumé/Sommaire

Dieu, constatant que la population terrestre n’aura de cesse de polluer que lorsque la Terre elle-même rendra l’âme, décide de nettoyer la surface de la planète de ses créatures humaines. Toutes mourront, sauf Marie-Noëlle : son profond respect pour la nature et sa foi inébranlable transparaissent dans chacun de ses gestes. Or cette femme a des enfants, un ex-mari, une cousine… puis quelques amis qu’elle aimerait bien sauver du déluge, chacun avec ses travers, qui anéantiront l’idée même d’un nouveau départ.

Commentaires

D’abord, mentionnons quelques effets de style qui retiennent l’attention dans cette nouvelle de Mme Desjarlais-Heynneman, dont une représentation divine particulière qui surprend dès les premières lignes du texte. Elle nous dira : « Dieu vit… » à la toute première phrase, puis enchaînera directement avec un « Elle » au début de la deuxième, qui saisit le lecteur dont on s’est joué, puisqu’il y a fort à parier que sa représentation mentale était celle, plus classique, d’un Dieu masculin. Cela nous est apparu comme un bon départ.

À la toute fin de la nouvelle, l’auteure laissera cette fois en suspens l’image d’un arc-en-ciel absent, qui achèvera quant à lui de convaincre le lecteur, par un effet de soustraction plus ou moins conscientisé (l’eau étant présente sous plusieurs formes dans la nouvelle – il y a « déluge », « liquide », « mer », « eaux polluées », « ondée », la terre fraîche et « humide » ; mais l’arc-en-ciel n’étant pas au rendez-vous…), que le soleil, qui aurait pu cautionner l’extraordinaire nouveau départ, brille, si vous nous permettez l’expression, par son absence. Mais cela se fait sans même que l’astre céleste ne soit nommé, contournant par là quelques figures usées.

Par contre, d’autres traits de l’œuvre nous ont semblé moins attrayants. On a senti une volonté d’inclure peut-être de force certains thèmes à la mode au moment de la parution de la nouvelle : par exemple, la féminisation des titres, notée dans le « fais-les tous/toutes sortir » et l’allusion à Dieu qui s’était mise à parler « comme les rapports modernes », un thème qui a peut-être moins bien vieilli. Ne s’est-on pas rapidement détourné, compte tenu de la lourdeur des textes qui ont été écrits en respectant ces principes, de cette pratique ? Dans le corps d’un texte de fiction, cela n’a pas si bien vieilli et peut sembler superflu, mais cet indice, combiné avec la présentation féministe du Dieu-femme, permet à tout le moins de saisir certains enjeux défendus par l’auteure.

En somme, on peut espérer un certain plaisir de lecture associé au texte. L’intérêt le plus marqué de la nouvelle, à nos yeux, est probablement sur le plan du contenu, dans la mise en relief de la difficulté de réunir tout le monde autour d’un projet commun, vu la multitude de valeurs et de priorités chez chaque individu. Un à un, parce que les êtres nous sont chers, on arrive à leur pardonner beaucoup, mais en s’y attardant à fond, est-on véritablement heureux de vivre avec la somme de leurs choix et des nôtres ? À lire cette nouvelle, le doute est permis.

La qualité d’écriture reste correcte tout au long de la nouvelle, sans toutefois épater. On se perd un peu dans les détails de ce qu’est une véritable écologiste : pas juste celle qui porte des T-shirts et met du papier dans le bac bleu de recyclage… Même chose du côté des couples qui se sont faits puis défaits entre l’un et l’autre personnage, avec les surnoms de chacun, qui se ressemblent même au risque de créer une certaine confusion. On a envie de passer un peu vite, histoire de comprendre le principe sans avoir à tout retenir de cette mare d’informations.

On fait également grand cas de l’usage d’une majuscule apodictique pour Dieu et les pronoms qui y réfèrent dans le contenu même de la nouvelle, ce qui détonne avec le peu de noblesse conféré au personnage divin dans toute sa représentation, jusqu’au vocabulaire familier qu’il emploie, dont le mot « saloperies » nous est resté à l’esprit, éclatant au-dessus de l’ensemble, et cela détourne finalement notre attention de l’essentiel. En fait, comme le lecteur est dans la nouvelle, il serait en droit, nous semble-t-il, de s’attendre à ce qu’on le dirige tout droit vers sa chute. [MEL]

  • Source : L'ASFFQ 1995, Alire, p. 69-70.