À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
Nous sommes en 1976. La République d’Amérique Septentrionale, une ex-colonie française, couvre presque toute l’Amérique du Nord. Le lieutenant de vaisseau Pierre-Henri Lemoyne, fils d’une des grandes familles de la République, se voit offrir la possibilité de prendre la relève de son père à la tête des Entreprises Hydrauliques des Affluents de la Rive Nord. Cela l’obligerait à quitter la marine et le sous-marin Restigouche qu’il commande.
Mais d’autres peuvent postuler la concession de cette seigneurie. Le sénateur Jean-Denis Dubuc désire l’enlever à Lemoyne et s’allie pour ce faire avec le sieur De Lanaudière et le général de Saint-Lambert.
Lemoyne, de son côté, reçoit une lettre posthume de son oncle Marc-Méridée où celui-ci l’invite à s’occuper de ses installations à Bangkok, sans en dire davantage sur ce qui peut s’y trouver. Quel choix fera-t-il ?
Commentaires
C’est peut-être parce que je ne suis pas un fan de l’uchronie que j’ai trouvé ce feuilleton aussi ennuyant. Si j’en étais un, j’aurais probablement pu ignorer les faiblesses de « La Concession ». Ou c’est peut-être parce que j’ai été irrité par la présentation de la revue qui affirme que ce texte « marquera le genre de l’uchronie » : attention, pas le droit de ne pas être impressionné !
Je suis donc sans doute injuste en refusant de m’étendre sur l’aspect uchronique du roman ; mais qu’ai-je à en dire sinon qu’il me paraît essentiellement correct, amusant au mieux, mais sans grand intérêt sinon ? Ce n’est pas parce qu’on nous présente une Amérique francophone qu’il faut en faire un plat. J’aurais également envie de chicaner au niveau de la technologie employée (si les moteurs à carburant fossile peuvent être produits en usine, difficile de croire que la vapeur serait encore largement utilisée), mais c’est mineur. J’ai réagi bien davantage aux autres éléments du roman, là où il y a hélas de sérieuses déficiences.
Le péché capital de l’uchronie est l’artificialité d’une intrigue dont le but réel est de nous exposer la construction de monde effectuée par l’auteur. Corbeil tente d’y échapper, ce qui lui vaudrait une indulgence si son intrigue réussissait à être le moindrement palpitante. Mais non. Les manœuvres des adversaires de Lemoyne ne le mettent jamais directement en danger. Si Lemoyne est soupçonné de l’assassinat d’un rival (dont il ignorait tout), on nous apprend au quatrième épisode qu’il n’était même pas question de lui faire un procès ! Quand Corbeil met de l’action dans sa soupe, c’est dans des séquences parfaitement superflues, comme les pirates du troisième épisode ou l’interminable et confuse partie de Li Nu Yin.
Côté personnages, il y en a trop, ils encombrent carrément le texte. Et pourquoi diable consacrer tant de mots à la description d’acteurs qui sont à peine plus que des porteurs de lances ? Alors que Lemoyne, lui, laisse plutôt une impression d’insubstantialité, à la limite du stéréotype, épousant par trop le moule du héros sympathique qui a tout pour réussir, sang bleu et oncle à héritage compris.
Le roman est trop long, et trop court. Trop long : Corbeil ne nous épargne rien des discussions des comploteurs, des procédures légales, des fastidieux interrogatoires… On a l’impression par moments qu’il n’avait pas grand-chose à dire et qu’il s’est forcé pour meubler. Mais trop court aussi : il y a des éléments qui ne sont pas développés. La relation entre Lemoyne et la petite-fille du sieur De Lanaudière méritait nettement plus que deux ou trois références, elle aurait pu constituer une complication intéressante. Telle quelle, elle fleure le sexisme bon enfant qui exige que le héros soit cher au cœur de toutes ces dames, ce qui n’était sûrement pas l’intention de Corbeil. Sans parler de toute l’idée des plantes servant à produire du matériel métallique : Abricot envisage que cela aiderait la Thaïlande à s’outiller pour moins cher, c’est tout. Manque d’envergure dans l’imagination, pour le moins.
J’en viendrais à croire que c’est la suite des aventures de Lemoyne en Thaïlande qui serait vraiment intéressante ; mais ce n’est malheureusement pas ce roman-là que Pierre Corbeil a écrit. [YM]
- Source : L'ASFFQ 1991, Le Passeur, p. 56-58.