À propos de cette édition

Éditeur
Les Intouchables
Genre
Hybride
Longueur
Recueil
Format
Livre
Pagination
122
Lieu
Montréal
Année de parution
1999
ISBN
9782921775700

Résumé/Sommaire

[6 FA ; 12 HG]
Le Jeu du trou
Fourmis
Vers de terre
Floc de neu
Sur le mur (1)
Sur le mur (2)
Les Poissons du miroir
Le Joueur
Petit Garçon deviendra grand
Triviale Poursuite
Le Jeu des sept familles
L'Immortalité
Encore un manuscrit trouvé dans une bouteille
Les Amants
Odeur
Hermaphrodite
L'Ami qui nous veut du bien
R.I.P.

Commentaires

Ce qui est remarquable dans ce recueil, c’est sa grande unité de ton, aussi bien en ce qui concerne les nouvelles fantastiques que celles qui ne le sont pas. L’auteur porte un regard sombre et sarcastique sur la condition humaine. C’est d’ailleurs typique des éditions Les Intouchables qui se sont donné pour objectif, pourrait-on croire, de rendre dépressifs leurs lecteurs. Laurent Chabin compare l’humanité à des insectes enfermés dans un trou qui se battent entre eux, s’estropient mutuellement et finissent par mourir dans l’oubli total. Il affirme l’absurdité des actions et la futilité des espoirs humains symbolisées dans « Sur le mur (2) », nouvelle non fantastique, par cet insecte qui grimpe interminablement un mur au sommet duquel il s’envole pour se retrouver encore au pied de ce même mur avant d’en entreprendre de nouveau l’escalade, indéfiniment.

Chabin a le don des images fortes pour illustrer ses idées. « Vers de terre », dans lequel un petit garçon est tellement dégoûté de son existence qu’il souhaite se transformer en ver de terre, est une satire de la croyance en la réincarnation. On ne sait pas à la fin si réellement il se métamorphose ou s’il ne fait que rêver. L’homme, lui, pue dans « Odeur » et la vérité est laide et puante dans « Petit Garçon deviendra grand ». L’homme et la femme forment un seul être mais ils se détestent profondément (« Hermaphrodite »). « Le Joueur » aligne avec ironie des considérations sur la vie.

Bref, Chabin ne nous propose pas une philosophie existentielle très réjouissante. On peut même se demander pourquoi il se donne la peine de prendre la plume pour partager son appréhension de l’humanité puisque, finalement, tout est inutile et que le néant est préférable. Cela dit, même si l’on n’est pas d’accord avec lui – ce qui est certainement mon cas –, il faut admettre que cette vision des choses touche une corde sensible, car du point de vue des insectes que nous sommes, le passage sur terre ressemble parfois effectivement à cette conception pessimiste et désespérante de l’existence. Il s’agit cependant d’un négativisme de mauvais aloi, à la mode par les temps qui courent et qui ne mène à rien de constructif, mais il s’agit là de mon opinion, bien sûr.

Chabin est toutefois logique avec lui-même car, quoique certaines histoires soient très réussies, par exemple « Hermaphrodite » qui est une excellente description d’une créature mythique, son vide existentiel se reflète dans la forme même de ses nouvelles. Il refuse la chute qui, dans le fantastique, est une sorte d’apothéose du récit, une révélation si l’on veut car ce serait donner un sens et, justement, cet auteur refuse le sens final – le seul qu’il consent à livrer peut se résumer ainsi : tout est puant et sans but. Ainsi, dans « Les Poissons du miroir », le lecteur ne saura pas ce que les enfants ont vu dans le miroir, il reste sur sa faim. Chabin dénonce le fait qu’il ne se passe jamais rien dans « Encore un manuscrit trouvé dans une bouteille » qui se veut une satire des contes fantastiques maritimes. Il ne se donne pas la peine de décrire un tant soit peu le vaisseau fantôme sur lequel se trouve le narrateur. Chabin se contente de faire allusion d’une façon minimaliste à des classiques et de les satiriser sans tenter le moindrement de les égaler. C’est pourquoi certaines de ses histoires contiennent en germe tout ce qu’il faut pour être réussies, mais le résultat final ressemble à des esquisses littéraires, exercices certes brillants (« Triviale Poursuite ») car cet écrivain ne manque pas de vocabulaire et de verve, mais cela n’en fait pas pour autant des grands textes. On demeure avec un sentiment d’incomplétude, l’impression que ça aurait pu être mieux.

Par contre, la manière de Chabin peut se justifier par le fait qu’il cherche justement à renverser les conventions du fantastique pour le rendre plus conforme à l’image de la vie telle qu’elle est vécue par beaucoup de gens, monotone et dénuée de sens. Auquel cas, au risque de me contredire, ce recueil serait à tout prendre une réussite d’ironie et d’humour noir. [DJ]

  • Source : L'ASFFQ 1999, Alire, p. 42-44.