À propos de cette édition
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Les cinq regroupements que Pierre Goulet effectue à l'intérieur de son recueil témoignent bien de la diversité de ses nouvelles. Il s'agit de Contes en mouvements (les trois premiers textes), Contes immobiles (les deux suivants), Contes d'auteur (les deux titres suivants), Contes en forme d'animal (les quatre qui suivent) et Contes de feu (les trois derniers récits). Dans ses Contes d'auteur, par exemple, Goulet témoigne de sa préoccupation pour l'écriture et le rôle de l'écrivain, avec une vision qui oscille entre la naïveté et le cynisme.
Outre des images récurrentes comme les fontaines, les jardins, les papillons et les oiseaux, une certaine thématique se détache assez rapidement de cet ensemble varié. La solitude et l'isolement, par exemple. Puis, plus nettement, l'enfermement (tunnel, cocon, cercle, cabine d'un vaisseau, usine d'écriture, chambre de l'écrivain, église murée, etc.). S'en rapprochent aussi les thèmes de l'envahissement végétal, de l'encerclement par la nature, d'une menace quasi tellurique. Un sentiment d'oppression s'en dégage, à défaut d'un sentiment oppressant.
Dans plusieurs nouvelles du recueil, la vision de l'univers tient du merveilleux davantage que du fantastique canonique (ou de la science-fiction, dans les quelques récits qu'on peut rapprocher de la SF). Il y a parfois un mélange incongru de merveilleux (la description des astres dans « La Chevelure de Bérénice », celle de la planète dans « La Danse des centaures ») et de considérations physiques (vitesse du vaisseau, astronomie ou astronautique, non sans erreurs). Pour certains textes, on hésite entres deux registres d'imaginaire.
De l'écriture de Pierre Goulet dans ce recueil, je puis dire qu'elle n'est pas toujours fluide, qu'elle m'a paru hachée par moments. Dans certains textes, quelques faux emplois font parfois tiquer, caractéristique des écritures trop colorées ; mais c'est peu fréquent. Ce qui m'a irrité davantage, en particulier dans « L'Orgue de barbarie », c'est la longue tranche de vie que nous impose l'auteur avant d'en arriver à son propos, une sorte de chronique rurale de l'entre-deux-guerres, mode que je me suis presque résigné à considérer inéluctable dans les écrits québécois depuis le succès d'un certain téléroman, mais qui personnellement ne me plaira jamais.
Cela dit, l'ensemble est de qualité, sinon captivant. « Sam » est pour moi le meilleur texte, un des seuls qui, par sa tendresse, soit parvenu à me toucher vraiment. Au contraire, j'ai eu bien du mal à m'intéresser à des nouvelles comme « La Colère des roses » ou « La Chevelure de Bérénice », avec leurs bousculades d'images ne rimant à rien. L'impression de gratuité se confirmait avec le dénouement de « Derrière le rempart de neige » (« je me réveillai en sursaut »), avec l'argument plutôt mince de « La Danse des centaures » ou celui totalement arbitraire de « L'Orgue de barbarie ».
Mais on rencontre parfois de très belles images, comme dans « Le Dôgui », nouvelle qui n'aurait pas déparé une anthologie de science-fiction. On trouve aussi des images très fortes, comme dans « Grandeur nature » où l'artiste se suicide en sautant dans le vide à travers la bouche de son autoportrait géant.
Au total, Contes de feu est un bon recueil, à défaut d'être une œuvre impérissable. [DS]
- Source : L'ASFFQ 1985, Le Passeur, p. 58-60.
Références
- Bélisle, Jacques, XYZ 5, p. 64-68.
- Boivin, Aurélien, Dictionnaire des œuvres littéraires du Québec VII, p. 163-164.
- Janelle, Claude, Solaris 66, p. 16-17.