À propos de cette édition

Éditeur
L'Aurore
Titre et numéro de la collection
Le Goglu - 2
Genre
Fantasy
Longueur
Recueil
Format
Livre
Pagination
200
Lieu
Montréal
Année de parution
1974
Support
Papier
Illustration

Commentaires

La publication des Contes de la Lièvre de Robert Lalonde – ne pas confondre avec le comédien et écrivain né en 1947 – aux Éditions de l’Aurore ne devrait pas étonner outre mesure quand on connaît l’intérêt de Victor-Lévy Beaulieu pour le conte. La série de contes, légendes et récits de différentes régions du Québec, publiée aux Éditions Trois-Pistoles quelques décennies plus tard, en témoigne éloquemment.

Le recueil de Lalonde comprend huit contes merveilleux que l’auteur dit tenir de Jos Provost, né à Notre-Dame-du-Laus en 1894. Bûcheron, il a parcouru, de chantier en chantier, le Nord du Québec et de l’Ontario. C’est ce que nous apprennent les deux dernières pages de la longue préface consacrée, on se demande bien pourquoi, à la localisation précise du site de la bataille du Long-Sault où périt Dollard-des-Ormeaux, héros national de notre enfance désormais déchu. Lalonde cite de longs extraits du journal de l’expédition du chevalier de Troyes à la baie d’Hudson en 1686 pour prouver son point. Cette préface est totalement hors de propos et n’éclaire en rien les contes de Provost.

Le corpus réuni par l’auteur met en scène un personnage récurrent, Tit-Jean, généralement au centre du récit, sauf dans « La Manchotte » où il joue un rôle vraiment secondaire, sa sœur – précisément la Manchotte – étant le personnage-pivot. Ce qui frappe à la lecture, c’est la longueur des textes qui font rarement moins de vingt pages. En fait, l’impression qui s’incruste dans notre esprit, c’est de lire deux, trois ou quatre contes différents qui ont été amalgamés en un récit. « La Manchotte » est représentatif de cette tendance. Le conte débute avec Tit-Jean, puis suit les déboires de sa sœur avant de s’intéresser à ses deux fils jumeaux qui vivront leur part d’aventures extraordinaires. En outre, comme les contes se ressemblent en raison de leur schéma narratif répétitif, à la fin de sa lecture du recueil, le lecteur n’arrive plus à différencier un conte de l’autre. Même « Le Conte du Beau Sauvage », dont le titre laisse croire qu’il s’agit d’un conte amérindien, ne se distingue guère des autres contes puisque ledit Sauvage, nullement investi des attributs de l’Autochtone, sert avant tout d’adjuvant à Tit-Jean.

Bref, les contes manquent de personnalité, ce qui est accentué par la présence récurrente de Tit-Jean. Avec un corpus de huit récits seulement, Lalonde aurait dû opter pour la diversité. Il aurait dû faire un choix entre « Le Gros Taureau blanc » et « Le Prince Albert Sans Peur » qui sont quasiment identiques. Dans l’un et l’autre, Tit-Jean sauve une princesse de la mort, tue la bête prête à la dévorer, cache son identité et confond le prétendant de la princesse au moment de la noce.

Faire un résumé de ces contes n’est pas une sinécure. Décrire toutes les péripéties, souvent interchangeables d’un conte à l’autre, donnerait un résumé aussi long que celui d’un roman. Tout repose sur ces actions, répétées plusieurs fois par le narrateur comme un mantra – au même titre que la répétition du refrain pour une chanson. L’absence de développement de la psychologie des personnages – ou sa singulière réduction à un archétype – souligne de façon encore plus évidente les invraisemblances du récit. 

Mais dans le genre merveilleux, ce qui arrive, aussi extraordinaire cela soit-il, est dans l’ordre des choses – un ours ou un taureau qui parle, un cheval qui s’envole, des métamorphoses instantanées – et nul protagoniste ne semble s’en étonner. Et le narrateur de se manifester brièvement dans les dernières lignes du texte en déplorant le fait qu’il n’a pas été invité à la noce. Ce faisant, il signale qu’il ne fait pas partie de ce monde merveilleux, qu’il n’en est pas digne, comme pour se mettre au diapason de ses auditeurs. En revanche, il a le don de raconter, de divertir et de faire rêver. Le narrateur de Robert Lalonde est toutefois trop bavard, trop porté sur la surenchère. [CJ]

Références

  • Pichette, Jean-Pierre, Dictionnaire des œuvres littéraires du Québec V, p. 178-179. 
  • Pichette, Jean-Pierre, Dictionnaire des écrits de l'Ontario français, p. 192-193.