À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
[11 FY ; 4 HG]
La Complainte d'un vieux garçon
Au fil de l'os
La Princesse belle comme le jour
Les Bœufs à cornes d'or
Conte de Laramée
Le Conte de Richard
Le Gros Serpent vert
Le Canot du Nord
Corne-en-cul
Propos d'un prospecteur
Anishnabé-Anishabé
Le Trappeur de Batchawana
Nigigons et Migisi
Nah-hé-shé contre Nah-ha-bé
Tibiki-gissis skog akki
Commentaires
Les Contes du portage, premier recueil de Robert Lalonde, réunit quinze récits dont la majorité relève du merveilleux. Contrairement à son second recueil, Contes de la Lièvre, cette première compilation présente une belle variété de contes qu’il a recueillis, selon ce qu’il affirme dans sa préface, au cours d’un voyage de quatre mois à travers le nord de l’Ontario et du Québec en 1971. On y trouve des contes de Tit-Jean, des contes québécois traditionnels mettant en scène le diable, une nouvelle version de la chasse-galerie appelée ici le canot du Nord et, surtout, cinq contes ojibwés dont quatre proviennent du conteur Dan Pine.
Du côté des contes québécois, c’est indiscutablement madame Élise Leclair, née en 1890 et domiciliée à Lac Campion, qui vole la vedette avec cinq contes originaux. Quelques textes relèvent moins du conte que du témoignage. C’est le cas de « La Complainte d’un vieux garçon » et de « Propos d’un prospecteur ». On peut certainement questionner la pertinence du récit d’Aldéna Lanthier qui nous fait part de ses réflexions de prospecteur et de sa passion pour les pierres de toutes sortes. Parfois techniques, parfois impressionnistes, ses propos ne suscitent guère l’intérêt du lecteur que je suis.
Je ne m’explique la présence de ce texte que par le fait que le narrateur arpente le territoire au gré de son travail, vit la plupart du temps en forêt, ce qui favorise des rencontres avec les Amérindiens. Ce journal de bord du prospecteur introduit en quelque sorte les contes ojibwés qui suivent ce témoignage. Ceux-ci constituent la partie congrue du recueil, soit environ le quart, mais ne manquent pas d’intérêt. Ils permettent de mesurer à quel point la mythologie qui forme l’imaginaire des peuples autochtones diffère des préoccupations et des valeurs véhiculées par les contes québécois ou d’inspiration européenne. Parce que l’échantillon des contes amérindiens est mince, il vaut mieux consulter, pour avoir une meilleure idée de la richesse de ce répertoire, les deux recueils de Bernard Assiniwi, Sagana et Anish-Nab-Bé. Contes adultes du pays algonkin, publiés dans la même collection chez Leméac.
Quant aux contes québécois, à l’exception des deux racontant une aventure de Tit-Jean (« La Princesse belle comme le jour » et « Les Bœufs à corne d’or ») qui emprunte des avenues maintes fois explorées, ils présentent des protagonistes souvent pauvres, pleins de défauts (Richard est un sacreur impénitent, Corne-en-cul est paresseux, Hubert et Jos abusent de la bouteille) mais dont la naïveté et la bonhommie les sauvent de situations précaires. De plus, même si le diable rôde, les contes sont exempts de toute morale religieuse, contrairement aux contes du XIXe siècle qui sanctionnent ceux qui ne respectent pas les préceptes de l’Église. Faut-il y voir une influence de l’époque, les années 1960 ayant vu la société québécoise s’affranchir de l’autorité de l’élite religieuse ? Les personnages ici esquissés en quelques traits ne sont pas des modèles de vertu mais ils font preuve de résilience et relèvent la tête, sauvés qu’ils sont par une sorte d’insouciance foncière. [CJ]