À propos de cette édition
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Avec un titre semblable et un éditeur comme Nathan, on se doute bien que Contes et légendes du Québec s’adresse aux lecteurs de la francophonie plutôt qu’à l’indigène du pays. Charles Le Blanc présente treize récits (il n’est pas superstitieux !) qu’il a puisés dans le répertoire des contes oraux traditionnels du Québec tout en les réécrivant à sa manière.
L’entreprise rappelle la démarche de réappropriation à laquelle s’était livré Victor-Lévy Beaulieu dans Les Contes québécois du grand-père forgeron à son petit-fils Bouscotte mais elle n’est pas aussi personnelle. Le Blanc se tient à distance de ces récits et intervient rarement dans la narration, sauf pour exprimer une réflexion morale empreinte de sagesse ou pour lancer une pointe d’humour à caractère social. Dans le premier cas, cela donne des petites leçons de vie comme celle-ci : « Le bonheur est petite chose, et il faut être attentif pour le voir. » Dans le second cas, l’auteur se fait presque démagogue : « Il soignait au nom du manitou des Abénakis, qui protégeait son peuple. À présent, c’est le médecin qui soigne, et au nom de la Régie de l’assurance maladie. Ça coûte plus cher et on meurt quand même. »
L’un des soucis qui semble avoir guidé Le Blanc est la diversité des lieux, dans le but évident de mettre en valeur les différentes provinces du Québec (l’Outaouais, le Saguenay, la Côte-du-Sud, le Bas du fleuve, etc.). Il s’est aussi efforcé, me semble-t-il, de livrer une version plus courte que le texte original, si bien qu’il combine souvent deux contes dans un même récit (« Le Portrait maléfique », « Alexis-le-Trotteur », notamment). Certaines versions diffèrent aussi sensiblement du récit fondateur. C’est le cas de « La Chasse-galerie » dont la coda est plus moralisatrice : les bûcherons sont emportés par le diable dans son royaume. De plus, il y a une certaine forme d’appauvrissement dans le texte de Le Blanc car l’atmosphère qui régnait dans les camps forestiers s’est perdue en cours de réécriture.
On s’imagine bien que ce travail a aussi forcé l’auteur à faire des choix sur le plan linguistique. Le Blanc navigue assez bien à travers les différents niveaux de langue. La narration se présente dans un français international qui n’interdit pas les expressions du cru, lesquelles sont expliquées dans un lexique d’une quinzaine de pages. On retrouve également un peu la langue du pays dans les dialogues.
Pour celui qui connaît déjà le répertoire des contes traditionnels du XIXe siècle, cette anthologie n’offre à peu près aucune surprise. Elle réunit les principales figures du fantastique canonique (le loup-garou, le diable sous différentes formes, le revenant, les lutins) et quelques personnages historiques comme la Corriveau, Alexis-le-Trotteur et Frontenac. Ce dernier, qui ouvre le recueil, inspire d’ailleurs un conte historique, « Les Canons de Frontenac », le seul qui ne relève pas du fantastique. La nouveauté (toute relative) viendra pour moi de deux contes qui n’ont pas subi le processus de littérarisation qui se produit quand le conte passe de la forme orale à la forme écrite parce qu’ils ont conservé très longtemps leur forme d’origine. « Le Capitaine-Goéland » et, surtout, « La Fille qui a marié un mort » font figure de trouvailles étonnantes. [CJ]
- Source : L'ASFFQ 1999, Alire, p. 97-100.
Références
- Desroches, Gisèle, Le Devoir, 04/05-12-1999, p. D 11.