À propos de cette édition

Résumé/Sommaire
Installée dans une maison isolée, une écrivaine peine à terminer son livre. Elle semble en outre liée, par quelque fil mystérieux et malsain, à un homme qui la force à écrire sans arrêt, et la moleste lorsqu’elle n’y arrive plus ou qu’elle produit des textes jugés médiocres. Lorsque l’écrivaine parvient enfin à se libérer de ce joug, elle constate que c’est une fausse libération car en perdant l’homme, elle a perdu le pouvoir d’écrire…
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Commentaires
De façon manifeste, Claudette Charbonneau-Tissot utilise les ressorts du fantastique pour donner une vue de l’esprit et des états d’âme d’une auteure aux prises avec les affres de la création. La narratrice expose d’ailleurs dans les détails son angoisse, son impuissance et son accablement face à des mots retors, ainsi que son asservissement humiliant à « un dieu qui exigeait périodiquement […] une nouvelle histoire » et se montrait affamé de récits sanglants qui la laissaient « vide et brisée ». Mais ce dieu intransigeant et ombrageux qui l’habite, la narratrice ne l’a-t-elle pas elle-même inventé dans le désir de se soumettre, masochistement, de son plein gré ? D’autant que, occupant chaque fois tous les rôles (auteur, narrateur et personnage principal), elle pratique une écriture solipsiste…
C’est un semblable rapport de soumission qu’entretient la narratrice avec cet homme qui l’attire incoerciblement. Bien qu’il soit présenté, lui, comme un personnage bien réel, le plus grand flou artistique subsiste à son égard. Rien n’est dit de son identité et de son apparence. Seules comptent, de toute évidence, la « relation morbide » des deux protagonistes et l’impossibilité qu’elle prenne jamais un autre tour, en même temps que sa nécessité, puisque la création littéraire est assujettie à l’existence de cette relation. « La Contrainte » apparaît dès lors comme le (perturbant) récit d’une dépendance extrême à un tortionnaire cruel infligeant des sévices physiques et psychologiques.
Puis un matin surgit, en lieu et place de l’homme attendu, une femme qui s’avère être le double de la narratrice. Cette femme avait jadis été un « esprit errant en quête d’un corps », et promettait l’accès à « des mondes insolites », à mille lieues de la vie ordinaire, en échange d’un nombre toujours croissant d’histoires. C’est ainsi que la narratrice hébergea l’esprit et en devint l’esclave consentante.
Force est de reconnaître que Claudette Charbonneau-Tissot s’est déjà montrée mieux inspirée. La nouvelle comporte un irritant de taille : son écriture même, lourde et alambiquée, par surcroît émaillée de modes verbaux surannés à la conjugaison généralement fautive. Un exemple : « Et pour que l’esprit reste en moi et me procure la dose d’irréel dont j’avais besoin pour survivre, [j’]allai même jusqu’à accepter que l’esprit qu’elle aimait jadis s’incarna subrepticement dans l’homme que j’aimais alors. » Ou encore : « Il eut peut-être suffi que je me sois agenouillée et que je me sois mise à défroisser une à une ces feuilles […] pour que naisse ce livre […]. »
Bref dans « La Contrainte », la confusion mentale du personnage principal se double d’un propos confus et obscur exprimé dans un style laborieux. Au final, on voit mal où la nouvellière a bien voulu en venir. [FB]