À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
Le journaliste Janvier Bordeaux raconte au narrateur un événement survenu à l’époque où il était télégraphiste à Shepley, une petite gare du Montana. Une nuit d’orage, à la fin de l’automne 1898, il avait accueilli comme d’habitude dans son bureau les deux cheminots du train N˚ 3. Au moment de confier au conducteur qu’il avait décrypté à partir du bruit des grêlons sur les vitres que son collègue Crowley était mort, les deux hommes et le train avaient disparu. Une demi-heure plus tard, le train arrivait en gare et Bordeaux apprenait que le serre-frein avait été victime d’un accident mortel.
Commentaires
Voilà une authentique nouvelle fantastique qui ne laisse aucun doute sur sa nature. Chaque fois que le lecteur – qui s’identifie ici au narrateur d’abord sceptique – croit pouvoir contester les faits rapportés, un argument de poids le convainc de la réalité du phénomène.
Une première manifestation du surnaturel survient quand Janvier Bordeaux décrypte mentalement un message transmis par le bruit des grêlons sur les vitres. Le message codé n’est pas suffisamment concluant, l’auteur l’a bien senti. La scène-clé consiste plutôt en l’apparition du convoi fantôme et des deux travailleurs du rail. Et pour bien marquer le coup, une tache de sang laissée par le conducteur du premier train atteste la réalité de l’apparition.
Le récit de Tremblay est bien mené et ne se perd pas en digressions inutiles : le style est alerte et familier. Évidemment, comme c’est souvent le cas dans les textes fantastiques anciens, l’auteur, qui fait corps avec le narrateur, conserve une certaine distance face aux événements. Il s’agit d’un récit de source seconde, puisque l’expérience relatée n’est pas la sienne mais celle d’un collègue. Le fait que celui-ci est journaliste – comme l’auteur – constitue une stratégie visant à renforcer davantage, aux yeux des lecteurs de l’époque, la véracité des faits.
La nouvelle de Jules Tremblay révèle aussi un rapport au territoire américain différent de celui d’aujourd’hui. L’histoire se déroule au Montana mais le protagoniste, francophone par son patronyme, ne s’y sent pas étranger. On a l’impression que le grand rêve de l’Amérique française survit toujours dans l’esprit de nos ancêtres au début du XXe siècle et que le Canada français occupe encore tout naturellement l’espace américain.
« Le Convoi fantôme » n’est pas un grand texte si on le compare à certains contes de Pamphile LeMay ou Louis Fréchette. Une belle découverte tout de même. [CJ]