À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
Chantal Carter, une adolescente rebelle, est monitrice au camp Winokapi. En cette dernière journée de la saison, les enfants sont partis et l’équipe, ayant terminé le ménage du camp, se paie un party. Les animateurs ont invité un groupe rock local, les Sépulcres. Alors que la fête bat son plein, Chantal aperçoit une voiture noire, un corbillard retapé, qui vient se garer parmi les autres véhicules. Lors de la soirée, Chantal boit beaucoup trop et dans un sursaut de révolte, décide de conduire jusqu’au plus proche village.
Elle a un accident à mi-chemin. Blessée, elle attend les secours mais c’est le corbillard qui vient à sa rencontre, conduit par un jeune homme qui ressemble étrangement à Johnny Abbott, l’ex-chanteur des Sépulcres, mort un an auparavant. Chantal embarque avec lui ; elle ressent une attirance mêlée de terreur pour le conducteur. Ce dernier la caresse et l’embrasse, et perd la maîtrise du véhicule, qui s’écrase contre un arbre.
Chantal se réveille à l’hôpital où on lui apprend qu’on l’a retrouvée inconsciente dans sa voiture. Son souvenir de Johnny est donc illusoire. Mais la jeune fille refuse de l’admettre. Elle soupçonne ses amis de lui mentir pour des raisons inconnues, tout en se devant d’admettre qu’elle a peut-être versé dans la paranoïa. En visitant la route du camp, elle trouve un morceau de pare-chocs qui doit provenir du corbillard bel et bien accidenté, mais elle ne peut rien prouver.
Mais voilà que Johnny l’appelle et la convie à le rejoindre chez lui ! Chantal s’y rend, y retrouve le corbillard aux phares aveuglants et Johnny qui souhaite qu’elle aille avec lui jusqu’en enfer, selon les paroles d’une chanson des Sépulcres. Les amis de Chantal arrivent à temps pour la sauver. Le prétendu Johnny n’est autre que Michel Santerre, un comédien local que le moniteur en chef du camp avait embauché pour faire une mauvaise plaisanterie le soir de la fête. Santerre s’est tellement imprégné de son personnage qu’il en a perdu la raison.
Santerre s’échappe toutefois et Chantal passe des jours anxieux à craindre qu’il la retrouve. Ce sont en fait les amis de Chantal qui retrouvent la trace de Santerre, caché dans le local de répétition des Sépulcres, lesquels sont partis en tournée. Tout le monde le confronte, y compris Chantal. Santerre, effondré, se prétend possédé par Johnny, juste avant de s’enfuir à nouveau. Dans la confusion, les amis de Chantal la laissent seule, et elle aperçoit enfin Johnny, le vrai Johnny, qui l’attend. Il l’aime, comme il le lui avait déclaré à leur première rencontre, et comme il ne peut retourner dans le monde des vivants, il veut qu’elle le rejoigne dans la mort. Chantal le supplie : s’il l’aime vraiment, qu’il la laisse vivre.
Elle se réveille à l’hôpital, après son accident sur la route menant hors du camp Winokapi. Le nom de Johnny lui vient en tête, et pourtant elle ne connaît personne de ce nom. Et ce morceau de métal chromé sur sa table de chevet, d’où vient-il ?
Commentaires
Alain « Eaglenor » Bergeron est un auteur chevronné et son talent ne se dément pas, même dans un cadre où d’autres auraient accouché de récits bancals et prévisibles. Ce n’est pas pour dire qu’on assiste à un renouveau du roman d’horreur pour jeunes, mais qu’il manie les éléments du genre avec une élégance impeccable. Le caractère surnaturel des événements sera mis en doute, apparemment désamorcé pour revenir en force à la fin, une progression très classique mais qui reste satisfaisante, surtout pour un jeune lecteur a priori moins rompu aux conventions du genre. Pour un lecteur plus blasé, l’intérêt réside dans la façon dont l’auteur amène les retournements successifs.
C’est sans doute avec l’introduction de Michel Santerre que le roman marche le moins bien : le complot des moniteurs-chefs dans le but de faire une blague douteuse est un peu tiré par les cheveux. Au moins l’auteur tire bien profit de cet élément ; la description du local saccagé par Santerre qui s’y est livré à des cérémonies sataniques suscite un réel frisson d’horreur même chez un lecteur aguerri.
Le personnage de Chantal est attachant. Adolescente bourrée de contradictions, elle a juste assez de recul sur elle-même pour être consciente de ses défauts mais pas encore assez pour y remédier. Cela est flagrant dans sa relation avec son ami Dominique, dont elle ne veut certainement pas comme amoureux mais qu’elle ne supporte pas voir s’intéresser à une autre. Et c’est en cela que Le Corbillard illustre bien que la vraie terreur des adolescents, ce n’est pas la mort, c’est l’amour. Tout aussi insondable et arbitraire, tout aussi dangereux et craint, mais contrairement à elle, violemment désiré.
Rendons hommage à Brian Eaglenor de nous avoir glacé le sang avec une histoire où la voiture sport rugissante, emblème de la sexualité adolescente depuis un demi-siècle, s’est métamorphosée en un corbillard aux yeux jaunes roulant tout droit vers l’enfer. [YM]
- Source : L'ASFFQ 1994, Alire, p. 70-72.
Références
- Clément, Michel-Ernest, Lurelu, vol. 18, n˚ 1, p. 33.
- Dupuis, Simon, Solaris 116, p. 40.