À propos de cette édition
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Maintes fois publiées et commentées (sauf pour la dernière qui est un inédit), les nouvelles de La Couleur nouvelle sont tirées du premier recueil de l’auteur publié en 1979 : Les Contes de l’ombre. Comme plusieurs critiques l’ont déjà souligné, elles appartiennent à la veine « classique » de l’écrivain qui tentait de rendre hommage à un certain fantastique canonique plus axé sur l’atmosphère et l’esthétique que sur les débordements gore.
En les proposant à un public adolescent, Daniel Sernine n’a pas cherché à moderniser ses histoires ou à les mettre au goût du jour. Bien sûr, l’auteur, toujours aussi perfectionniste, s’est livré à quelques retouches, modifiant un trait ici, ajoutant une couleur là. Mais, dans l’essentiel, le lecteur retrouve ici les mêmes tableaux baroques, la même esthétique de la peur qui ont marqué son entrée sur la scène littéraire québécoise. Il s’agit d’histoires intemporelles, écrites avec art et poésie, dont le style rappelle par moments certains poèmes de Baudelaire (« Ceux qui peuplent le ciel », en particulier). Quant à la mécanique narrative mise en place par l’écrivain, elle vise avant tout à nous révéler un monde étouffant où l’individu se sent pris au piège, où la peur et le désespoir ponctuent chaque tentative de s’en évader.
La seule exception à la règle est la dernière nouvelle, « Une douleur nouvelle », qui tente de briser le cercle de la solitude et de montrer que le regard intérieur peut dévoiler autre chose que des cauchemars. Cette note positive qui conclut le recueil démontre-t-elle une évolution dans la vision de l’auteur, une percée vers l’autre ? Il est encore trop tôt pour savoir si elle se concrétisera davantage dans les prochaines œuvres de Daniel Sernine. Quant à savoir si ces nouvelles vont capter l’attention de jeunes férus de littérature fantastique, amateurs de Stephen King ou de cinéma gore, on peut affirmer sans se tromper qu’ils risquent de trouver ces textes bien timides. Par contre, en lisant les nouvelles de Daniel Sernine, ils iront aux sources du genre, au-delà du tape-à-l’œil et des effets spéciaux sanguinolents. Ils découvriront un esprit qui relève de l’adolescent, de sa flamboyance et de sa passion : un regard neuf et critique sur la société, un goût de provoquer qu’alimentent un besoin vital de s’affirmer et une faim de nouveauté, de tout voir, de tout essayer. Dans le monde souvent aseptisé de la littérature pour jeunes, c’est déjà beaucoup. [ML]
- Source : L'ASFFQ 1993, Alire, p. 166-169.
Références
- Anonyme, Littérature québécoise pour la jeunesse 1993, p. 34.
- Anctil, Mélissa, imagine… 65, p. 97.
- Desroches, Gisèle, Le Devoir, 13/14-03-1993, p. D 3.
- Dupuis, Simon, Lurelu, vol. 16, n˚ 2, p. 22.
- Fecteau, Mario, Temps Tôt 37, p. 57-58.
- Lefebvre, Isabelle, Des livres et des jeunes 44, p. 50.
- Pelletier, Francine, Solaris 104, p. 62-63.