À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
Vincent Beauregard est peintre. Jeune homme solitaire, il habite une vieille maison coloniale près du petit village de Saint-Théophile, au Québec. Le décor champêtre inspire sa quête artistique ainsi que de longues rêveries mélancoliques. Un matin, une nouvelle l’ébranle : Marc, son frère jumeau, est mort dans un accident.
Lors de la cérémonie funèbre, la présence d’un cercueil fermé installe le doute dans son esprit : son frère serait-il vivant ? Peu après les funérailles, une rencontre avec les sbires de la Police Mondiale ne fait qu’amplifier cette impression. Les policiers l’interrogent sur les recherches scientifiques de Marc et, en particulier, sur un texte écrit par leur mère décédée. Ce document serait à la base du travail de son frère : le voyage dans d’autres espaces-temps. Le peintre connaît bien le manuscrit, toujours en sa possession. Mais il préfère mentir et affirmer n’être au courant de rien.
De retour chez lui, la lecture du petit livre rédigé par sa mère ravive de vifs souvenirs et le pousse à emprunter la voie spirituelle pour sauver son frère qu’il devine toujours vivant. Une transfiguration s’opère et propulse Vincent vers les sphères divines. À partir de cet instant, l’aventure s’enclenche. Le peintre, doté de pouvoirs extraordinaires, voyagera dans une autre dimension afin de délivrer son frère des griffes du terrible Arion. Mais la quête de Vincent sera semée d’embûches car sur Terre, Casper, inspecteur de la Police Mondiale, mettra tout en œuvre pour s’emparer de l’invention de Marc.
Commentaires
Dans l’œil du temps nous est présenté par son auteur comme un « conte fantastique ». Ici, il vaudrait mieux parler d’un « roman épique, merveilleux » tant les péripéties et les coups de théâtre s’enchaînent sous la plume de l’écrivain. Benoit Hébert nous décrit un univers manichéen où le Bien affronte le Mal, où d’implorantes victimes sont secourues par un héros en costume de lumière. Le texte pourrait à la limite se lire comme une bande dessinée mais l’utilisation à outrance d’un jargon nouvel âge interdit toute interprétation parodique ou clins d’œil référentiels. Malgré une écriture plus que compétente et un bon sens de l’humour, la lecture se bute à des phrases comme « Elle décrivait un monde de formes lumineuses animées de vibration d’amour où le désir de s’unir à la Source était l’essence du mouvement ».
En plaçant son texte sous la bannière du conte, Benoit Hébert cherchait peut-être à évoquer une certaine innocence reliée à l’enfance et aux symboles qui l’habitent. L’auteur a oublié que le conte met en branle des forces obscures où s’expriment les peurs profondes de la vie enfantine. L’imaginaire de l’enfant, le « tout est permis », se heurte violemment à l’autorité, le « tout est interdit » de l’adulte. Ce conflit, le conte l’exprime dans un combat sans merci entre deux magies. Une qui magnifie la force du corps et les pouvoirs de l’esprit. Une autre qui entrave ses victimes, les paralyse ou les plonge dans un sommeil maléfique. La simplicité du conte, son manichéisme ne sont donc qu’apparents et autorisent au contraire l’ambivalence, le trouble, la perversion, sentiments appuyés par une symbolique à fortes connotations sexuelles ou anthropophagiques. Si le conte propose une morale positive ou un dénouement heureux, il ne s’agit que d’une trêve, un retour à la normalité une fois les tensions exprimées.
Le roman de Benoit Hébert se disperse dans une démonstration qui fait appel à plusieurs genres littéraires (merveilleux, science-fiction, conte) et plusieurs discours (spirituel, poétique, scientifique). Le récit trouve son unité dans une vision nouvel âge qui ne convaincra ou ne touchera que les adeptes de cette philosophie. Reste cette phrase étincelante qui ouvre le roman : « Il était une fois dans le nord de l’Amérique un jeune homme solitaire », un début prometteur dont le fil s’est perdu en cours de rédaction. [ML]
- Source : L'ASFFQ 2000, Alire, p. 87-88.