À propos de cette édition

Éditeur
Du Jour
Titre et numéro de la collection
Les romanciers du jour - 30
Genre
Fantastique
Longueur
Novelette
Paru dans
Volupté de l'amour et de la mort
Pagination
43-89
Lieu
Montréal
Année de parution
1968

Résumé/Sommaire

Edmond Janottin rencontre dans le métro, à Paris, une jeune femme qui ressemble étrangement à un des personnages d’un tableau qu’il a acheté il y a quelques mois. Puis il croise successivement deux autres sujets de la toile. Perturbé, craignant pour sa santé mentale, il demande à son ami Albert de vendre la peinture. Un commerçant d’art l’achète et, après avoir constaté que l’œuvre subit des métamorphoses, il la cède à une galerie d’art qui la revend à un collectionneur écossais, James Macphersen. Peu après, les journaux annoncent que celui-ci a tué sa femme, blessé ses enfants et attenté à sa vie.

Commentaires

Contrairement à ce que pourrait laisser croire la couverture, le recueil de Jean Tétreau ne compte pas que des « histoires fantastiques ». Il n’y en a que deux, en fait, en plus d’un très court texte de SF. Volupté de l’amour et de la mort n’a donc pas, sous ce rapport, la même importance que le recueil de Claude Mathieu, La Mort exquise, paru dans la même décennie.

« Le Décret impérial » raconte les pérégrinations d’une toile maléfique anonyme qui aurait été peinte en 1925. Les effets que produit cette œuvre énigmatique sur ses propriétaires successifs diffèrent de l’un à l’autre et rendent compte du type de rapport que chacun entretient avec l’œuvre d’art au sens générique du terme.

Pour Edmond Janottin, rentier, son rapport avec l’art pictural en est un d’empathie, d’émotion, de telle sorte que les sujets humains de la toile s’incarnent dans des individus en chair et en os. Chez Frédéric Gombard, homme d’affaires et marchand d’art, le rapport est d’un tout autre ordre. Il est fondé sur l’échange, le commerce, si bien que les figures de la toile maudite sont remplacées momentanément par des portraits célèbres (la Baigneuse de Bonnard, la Joconde), des autoportraits ou des paysages de peintres réputés.

Quant au propriétaire suivant, le collectionneur écossais James Macphersen, on ne sait trop quel rapport il entretient avec le tableau mystérieux pour qu’il en vienne à commettre ces gestes extrêmes. D’abord, contrairement aux deux propriétaires précédents dont Jean Tétreau brosse un portrait détaillé, on ne sait rien de la personnalité de Macphersen. De plus, sa folie meurtrière étonne car les tourments subis par Janottin et Gombard ne laissaient présager aucune violence mais plutôt la crainte de sombrer dans la folie (surtout chez Janottin). Tout comme le tableau qui conserve son mystère, les ressorts de la tragédie qui frappe Macphersen demeurent inexpliqués.

Le rythme de la nouvelle a vraiment quelque chose de particulier. Tétreau consacre les deux tiers du « Décret impérial » à suivre Janottin dans ses déplacements de rentier dans le XVIe arrondissement de Paris. Il s’attarde ici et là, musarde, comme s’il avait tout son temps devant lui. Les digressions sont nombreuses, comme ce rappel des circonstances qui ont amené Edmond à connaître son ami Albert. Tétreau nous promène dans Paris, du Trocadéro au Quai de la Tournelle, en passant par la rue des Écoles ou l’avenue Victor-Hugo. L’illusion est parfaite. Puis le rythme du récit s’accélère, à l’image de la vie trépidante du marchand Gombard. Les quelques informations sur l’infortuné Macphersen nous parviennent indirectement, par des articles de journaux ou des émissions de télévision.

Jean Tétreau est un styliste. Son écriture est à des années-lumière de celle des jeunes romanciers des éditions du Jour de l’époque. Il a une façon de dire les choses avec élégance : « Son regard […] croisa celui d’une femme assez jolie pour mériter plus que du respect, car elle lui sembla très jeune et très désirable. » Avec le recul, cela fait très « vieille France » mais c’est aussi ce qui fait le charme de cette nouvelle qui mise beaucoup sur la couleur locale. [CJ]

  • Source : La Décennie charnière (1960-1969), Alire, p. 174-176.