À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
Jacques Morin porte un grand intérêt à la décomposition du corps humain et de ses chairs. Dans son petit labo domestique, il étudie des spécimens – pas les macchabées entiers, juste les mains –, il les dissèque, les observe au microscope, prend des notes et s’adonne à maints loisirs scientifiques de la même eau. Jusqu’au jour où, d’une de ses expéditions nocturnes pour s’approvisionner, il rapporte la main arrachée au squelette d’un sorcier déterré dans une partie désaffectée d’un cimetière. Le sorcier n’en demandait pas plus pour reprendre une place parmi les vivants. Moins de vingt-quatre heures plus tard, la main squelettique s’est refait des muscles, des nerfs et tout le nécessaire. Elle va mettre la… patte sur Jacques et le ramener à la fosse béante où l’attend le sorcier, reconstitué mais manchot, prêt à changer de place avec lui.
Autres parutions
Commentaires
Cette histoire de Claude Bolduc exploite deux thèmes essentiellement fantastiques, la possession et l’immortalité. Pour bien les emballer, l’auteur s’applique à créer des atmosphères oppressantes, des climats lugubres, à monter une mise en scène déjantée. Il fait défiler les paysages et les vues panoramiques, puis des lieux clos, couverts, en leur donnant, autant aux uns qu’aux autres, des teintes inspirées de l’intrigue. Normal, puisque le regard qui anime le décor, qui lui donne les couleurs de la crainte ou de l’angoisse appartient au personnage principal, le profanateur transformé en victime.
Traditionnel par l’inspiration, le fantastique de Bolduc s’exprime avec des moyens modernes, quasi journalistiques dans le sens où le texte dit et montre tout. Sans cependant tomber dans l’horreur. D’autant qu’une douce ironie, qui tient plus dans le ton que dans le propos, réduit la tension dramatique.
S’il fallait chercher la petite bête, je dirais que le récit souffre de prolixité, pas loin de l’obésité. À force d’en dire, on peut finir par en dire trop. Qu’on pense aux explications du sorcier, pas mal loquace pour un mec qui vient de passer trois cents ans six pieds sous terre à ruminer sa vengeance ; il vient d’attraper le poisson dont il s’apprête à voler la carcasse, alors pourquoi lui casser les couilles avec sa diatribe ? Qu’on pense encore à la topographie de l’Isle d’Orléans-selon-Bolduc : on aboutit à Sainte-Pétronille quand on tourne à droite en arrivant à l’Isle, pas à Saint-Laurent. Ce ne sont que des détails, bien sûr, mais ils montrent que la narration aurait profité d’un régime minceur. S’il avait donné la primauté à l’intrigue, Bolduc aurait coupé quelques passages, resserré l’écriture, ramené l’histoire à l’essentiel. Mais il est un jeune auteur (en 1993, s’entend) qui cède peut-être parfois à la facilité, à son plaisir d’écrire, à ses talents d’écrivain et de conteur en négligeant, dans l’opération, de travailler un peu plus fort, de mieux exploiter encore ses aptitudes exceptionnelles. [RG]
- Source : L'ASFFQ 1993, Alire, p. 26-27.