À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
Un couple, qui vient d’aménager dans un nouvel appartement, éprouve un malaise grandissant. Patricia, en particulier, a l’impression que la dimension des pièces change constamment, qu’une présence indéfinissable s’y terre. La nuit, elle fait d’affreux cauchemars. La proximité du peintre Philippe Frégeau, réputé pour ses toiles hyperréalistes, dont l’atelier jouxte l’appartement, y serait-elle pour quelque chose ?
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« Derrière le miroir » est une des nouvelles les plus violentes et les plus sadiques de Daniel Sernine. La description détaillée de six tableaux saisissants qui mêlent l’horreur au sadisme et à la perversité contribue à installer un climat angoissant et malsain. À cela il faut ajouter une certaine complaisance pour la nudité, féminine de préférence, qui met le lecteur mal à l’aise : une furie qui apparaît à un prisonnier, « puissante et nue, ne portant qu’une cape noire effrangée qui s’agitait autour d’elle tel un drapeau claquant au vent », une captive « liée, nue, à une table de pierre froide », attendant que son bourreau lui ouvre le ventre avec un couteau chauffé à blanc.
Certes, ces images insupportables ne sont que des fantasmes dont se nourrit le talent de peintre de Philippe Frégeau. La nouvelle de Sernine n’en pose pas moins la question du rapport qui existe entre l’art et la vie. L’inspiration de l’artiste comporte une part de responsabilité. Frégeau, dans « Derrière le miroir », a passé un pacte avec Mysariel, génie de l’horreur, pour mieux reproduire la souffrance, l’épouvante et le désespoir de ses personnages de suppliciés. Jusqu’où peut aller la liberté de l’artiste ? L’art est-il au-dessus de toute moralité ?
La nouvelle de Sernine pose implicitement ces questions et actualise dans sa trame narrative le problème d’éthique que soulèvent les toiles de Frégeau. L’écrivain marche ici sur un fil ténu sans tomber. C’est un exploit en soi.
« Derrière le miroir » constitue le premier volet d’un diptyque consacré à la carrière du peintre Frégeau qui trouve son dénouement dans « La Fresque aux trois démons ». [CJ]
- Source : L'ASFFQ 1990, Le Passeur, p. 173-174.