À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
Par le « jumelage » d’espèces animales et végétales, des savants réussissent à créer une race ovine de couleur verte, se nourrissant plus de soleil que de fourrage. Étant donné ses propriétés avantageuses, la “découverte” se propage rapidement dans les pays du Tiers-Monde jusqu’à s’en prendre à la couleur de peau des habitants. Les Africains verts se mettent dès lors à prospérer et acquièrent une autonomie vis-à-vis les pays occidentaux. L’équilibre mondial est sévèrement touché. De plus en plus d’individus (les écolos en tête de liste) et de peuples adoptent la nouvelle couleur. À la fin du millénaire, l’humanité accède enfin à l’égalité, à la fraternité et à la liberté, sous la bannière du vert et du soleil.
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L’abolition du racisme ? L’avènement du paradis sur Terre en cette fin de XXe siècle ? C’est ce que propose Victor Frigerio dans une nouvelle à saveur satirique, plus amusante que virulente. « Des brebis et des hommes » s’ouvre sur deux anecdotes qui montrent les excès engendrés par le racisme. Épisode 1 : un teinturier séquestre son voisin/ami de couleur noire et cherche à le blanchir par des moyens peu orthodoxes ; épisode 2 : un scandale éclate lorsque le cas d’Alistair Jones, vendeur noir victime de discrimination, sort sur la place publique. « On réclama à cor et à cri une solution globale et égalitaire. Puis, peu à peu, les voix se firent rauques, les oreilles se lassèrent d’entendre ressasser des théories dont la justesse semblait plus fatigante, plus énervante à chaque répétition. » Et le scandale de s’éteindre dans un dernier souffle, comme tout espoir de justice en ce bas monde…
Il faudra dans cette histoire que le hasard et les moutons se mettent de la partie pour que soient résolus les problèmes liés au racisme et à l’épuisement des ressources de la planète. Mais seuls des intérêts personnels, économiques, réussissent vraiment à convaincre l’homme de la nécessité de changements majeurs en ce qui concerne ces grandes questions.
Le texte de Frigerio incite à la réflexion, mais pour qui poussera au-delà de ce que propose l’auteur. Car une superficialité et un manque de rigueur dans le propos sont à déplorer. Des contradictions surgissent ici et là : l’auteur affirme que la “découverte” est le fait d’un laboratoire belge, puis, plus loin, d’un laboratoire syrien ; il est écrit que « … vers la fin du millénaire l’Histoire telle qu’on l’avait connue arriva à sa fin ; doucement, sans à-coups, et à vrai dire sans que personne ne s’en inquiète », alors que dans les pages précédentes, on peut lire que « … le processus qui devait ultérieurement amener à la réalisation de la vraie égalité entre les hommes, provoqua à son apparition un effet contraire, multipliant les classes sociales, mettant leurs différences encore plus en évidence et suscitant les rivalités irraisonnées qui laissaient souvent le pas à la haine et à la violence ». Qu’en penser ?
L’auteur couvre beaucoup trop rapidement la période bouleversée de l’Histoire qu’il imagine, et raconte avec des détails parfois inutiles (ou mal articulés) l’apparition de la nouvelle race. « Des brebis et des hommes » est un texte facile, léger, qui court dans plusieurs directions à la fois sans arriver à piquer avec force le lecteur. En fait, à trop vouloir donner, on risque tout simplement d’enlever le goût de prendre. Au lecteur d’en juger. [RP]
- Source : L'ASFFQ 1990, Le Passeur, p. 81.