À propos de cette édition

Éditeur
Paulines
Titre et numéro de la collection
Jeunesse-pop - 81
Genre
Fantasy
Longueur
Novella
Format
Livre
Pagination
146
Lieu
Montréal
Année de parution
1992
ISBN
9782890395671
Support
Papier

Résumé/Sommaire

Maintenant que les magiciens noirs ont été vaincus, la question qui se pose aux disciples du qadérisme est de savoir à quoi va servir désormais la magie. Puisque le Mal n’existe plus, quelle est l’utilité des magiciens ? Afin de trouver des réponses à ces questions, Télem et Alys entreprennent des recherches sur l’existence de Qader mort il y a six cents ans. Ils se rendent à Mirghul, une petite principauté isolée du reste du continent où le grand maître aurait vécu et mis au point la philosophie du qadérisme. Ils y découvrent une cité étonnamment développée et une fresque représentant Qader devant une forêt lumineuse. Ils apprennent qu’il s’agit de la forêt d’Avalon dont il ne reste plus qu’une petite superficie à une journée de Mirghul.

Télem et Alys pénètrent dans cette enclave boisée où le monde semble neuf, où règne une harmonie magique entre les différents règnes de la création. Ils rencontrent Iain, roi des Sorbiers, qui leur apprend l’existence du petit peuple et le rôle qu’il joue pour faire échec au désordre et au chaos qui menacent le royaume d’Avalon. Les forces du Mal semblent gagner du terrain et remettent en cause le fragile équilibre du royaume. Les deux jeunes magiciens promettent d’apporter leur aide au haut-roi d’Avalon et s’engagent à détruire la forteresse de Manawyddan, repaire du roi Amadan dont l’influence néfaste sur les gobelins risque d’entraîner la disparition d’Avalon.

En échange de leur aide, la haute-reine révèle à Télem et à Alys le destin de Qader, son origine et les événements qui ont donné lieu à son enseignement. Ils apprennent ainsi des choses étonnantes sur eux-mêmes et sur leur origine. La victoire sur Amadan étant consommée, Télem sait maintenant à quelle tâche devra se consacrer la confrérie des magiciens : réparer le tort que les humains ont causé au royaume d’Avalon et l’aider à regagner le terrain perdu au profit du chaos.

Commentaires

Le Destin de Qader constitue le troisième et dernier volet de la série entreprise par Philippe Gauthier en 1990. À maints égards, il s’agit du tome le mieux réussi et le plus ambitieux. Le récit est moins fertile en rebondissements et en péripéties mais en revanche, l’auteur dévoile l’architecture du monde qu’il a mis en scène. Ce roman est donc plus axé sur la réflexion que sur l’aventure. En effet, les forces du Mal ayant été anéanties, la magie se trouve sans utilité désormais. Comme le Bien est étroitement lié au Mal, il faut trouver un autre sens à l’existence et faire en sorte que la connaissance des magiciens ne soit pas inutile.

On a vraiment l’impression d’assister, dans Le Destin de Qader, à la fin d’un monde (manichéen) et à la naissance d’un nouvel ordre. Ce troisième tome marque en effet le passage d’un monde fondé sur la magie – un monde ancien dépassé – à une société technologique représentée ici par Mirghul. La description de la ville et des nombreuses inventions (l’imprimerie et l’arquebuse, symboles du bon et du mauvais côté du progrès) que Télem et Alys y trouvent annonce les changements importants que s’apprête à subir le monde dans lequel vivent les deux magiciens. Cette mutation m’apparaît exemplaire dans un genre, l’heroic fantasy, qui n’est pas réputé pour faire l’éloge du changement puisqu’il repose sur une conception du monde immuable, une conception dualiste qui se satisfait très bien de cet état de choses. Or, Philippe Gauthier ébranle ces structures qui se suffisent à elles-mêmes en présentant une nouvelle conception du monde fondée non plus sur le dualisme, mais sur la nuance, l’hybridation, l’ambiguïté. C’est le chiffre trois désormais qui est la clé de ce nouvel ordre qui doit rendre compte de la totalité du monde vivant.

Il y a donc le centre de la terre où vivent les démons, le royaume d’Avalon qui représente l’harmonie et la beauté originelles et le monde de Télem et Alys qui constitue un mélange des deux premiers, un monde qui tient à la fois du chaos et de l’ordre. Cette structure à trois niveaux enrichit la dynamique de la conception de Gauthier et contribue à faire de son roman une œuvre complexe et nuancée.

Le Destin de Qader peut compter aussi sur un atout important : le couple Télem/Alis. La jeune fille s’était imposée dans le roman précédent, Le Château de fer, au point que l’auteur ne pouvait l’ignorer à l’avenir. Certes, Gauthier présente une vision stéréotypée de l’homme et de la femme. Télem est logique et rationnel tandis qu’Alys représente le domaine de la sensibilité et des émotions. Néanmoins, le caractère innovateur de ce roman réside dans le fait de réunir ces deux personnages et de tirer parti de leur complémentarité. Le couple Télem/Alys représente une synthèse de l’homme et de la femme et tire sa force de cette osmose. C’est lui le véritable héros de ce roman et non chacun des individus qui le composent. Et quand l’auteur lève le voile sur l’origine respective de Télem (héritier direct de Qader) et d’Alys (descendante d’Oonagh, demi-sœur de Qader), on se dit que le destin fait bien les choses et que le nouveau monde possède maintenant son couple originel sur lequel il pourra s’édifier.

Mais il ne faut pas compter sur l’auteur pour nous entraîner dans l’intimité du couple. C’est ce qui m’agace toujours un peu dans ce genre de récit pour adolescents : cette pudeur, cette façon de faire comme si la sexualité n’existait pas. Tout au long de leur voyage vers Mirghul puis dans la forêt d’Avalon, Télem et Alys dorment ensemble mais ne couchent pas ensemble.

Finalement, la série de Philippe Gauthier s’avère beaucoup plus intéressante qu’on aurait pu le croire au début. Chaque volet a ses mérites mais c’est véritablement le troisième qui vient donner un sens à ce monde qui apparaissait jusque-là assez conventionnel et convenu. La notion de couple, qui remplace l’image traditionnelle du héros courageux et invincible, vient tout chambarder parce qu’elle incarne à la fois les attributs de la masculinité et de la féminité et les valeurs reliées au monde de la magie (dont Alys prend la défense) et de la technologie (valeurs endossées par Télem). En outre, cette union marque la résolution des conflits entre magie blanche et magie noire car il ne faut pas oublier qu’Alys appartenait au camp des magiciens renégats avant que Télem ne la convertisse à la doctrine de Qader.

Il est malheureux que l’amélioration du matériau romanesque n’ait pas été suivie d’une amélioration du mode d’expression. L’écriture demeure le talon d’Achille de cette trilogie. Les maladresses sont nombreuses de même que les fautes d’orthographe. Parmi les plus incroyables, il y a cette question de la haute-reine d’Avalon à Télem : « Vous aiderez-nous aussi ? » Tant que Philippe Gauthier n’aura pas compris que l’écriture est aussi importante que l’imagination dans la réussite d’une œuvre, il ne pourra prétendre faire partie des meilleurs écrivains de littérature pour jeunes. La tâche n’est pas insurmontable : il suffit d’un peu plus de travail de la part de l’auteur et d’une plus grande vigilance de la part de l’éditeur. [CJ]

  • Source : L'ASFFQ 1992, Alire, p. 85-87.

Références

  • Anonyme, Littérature québécoise pour la jeunesse 1992, p. 27.
  • Anctil, Mélissa, imagine… 64, p. 103-104.
  • Martel, Julie, Solaris 103, p. 51-52.
  • Martin, Christian, Temps Tôt 23, p. 39.
  • Meynard, Yves, Lurelu, vol. 16, n˚ 1, p. 20.
  • Pelletier, Francine, Samizdat 24, p. 42-43.