À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
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J’ai délibérément omis le paratexte dans les résumés qui suivent, c’est-à-dire la préface et la postface qui encadrent chacun des récits. Les encadrent et les figent dans le sens qu’on veut expressément leur donner, encore davantage qu’ils ne le sont déjà par les effets internes très appuyés dans chaque histoire. Par exemple, et dans l’ordre : « Les Rois mages », « Lancelot », « Adolf », « Robinson », « Charles », « Ève et Lucy », « Alice », « Jean-Pierre » (l’auteur se met en scène avec son fils François), « Félix » (Leclerc), « Marie ». Dans les postfaces, dites Note de l’auteur, celui-ci explique longuement les correspondances de son histoire avec l’Histoire, des personnages historiques ou légendaires (après tout, le titre général du recueil est Destinées) et les sciences.
C’est que ce recueil et la collection où il a été publié se veulent et sont didactiques. La préface de la responsable de la collection le souligne en expliquant la visée ainsi que le niveau de lecture du recueil et des textes : « Destinées n’est pas un recueil de science-fiction ordinaire. Mine de rien, ces nouvelles, qui sont toutes basées sur des réalités tangibles, ont demandé à leur auteur une bonne somme de connaissances et de recherches, tant du point de vue littéraire que scientifique… » On se demande ici quelle idée on se fait donc de la science-fiction « ordinaire »… Et la postface le répète en décrivant la collection : « Spécialement pensée pour les adolescents, la collection Échos vous propose trois niveaux de lecture, aux difficultés variables, spécialement adaptés à vos goûts et à vos préoccupations ». Aux goûts et aux préoccupations des adultes, de toute évidence, parents et professeurs. Tout cela est très moral, plutôt optimiste et se veut même drôle par moments. Mais je ne sache pas que la plupart des adolescents de 1993 acceptent de se faire instruire – en étant soi-disant divertis – de façon aussi explicite et biaisée (les motifs religieux qui ouvrent et ferment le recueil, boucle soulignée par la note de l’auteur, lequel semble la trouver très habile).
Si l’on exclut les préfaces et les notes, il reste néanmoins des récits ficelés avec une certaine efficacité, le terme opératoire étant ici « ficelé », avec des coutures plus qu’apparentes : la narration est toute utilitaire, on veut être compris, et plutôt trois fois qu’une. Comme l’écriture, les motifs abordés sont ceux de la science-fiction des pulps des années 40, avec quelques incursions plus modernes (paléontologie, trous noirs, reconstitution d’une personne par son ADN). Un retard un peu affligeant, mais normal pour qui n’est pas branché sur le genre.
D’un autre côté, la tentative de l’auteur de rattacher sa science-fiction à certains mythes, si convenue soit-elle souvent, semble indiquer une certaine compréhension du fait que ce genre n’est pas tout entier dans ses aspects naïvement didactiques. Le lecteur averti peut éprouver un certain amusement à l’évhémérisme flagrant de certains textes (« Le Dragon » ou « Le Plan », par exemple) qui « expliquent » des légendes ou des fictions littéraires… par la SF : mythe au carré, en quelque sorte ! Compte tenu du contexte, cependant, on peut se demander s’il s’agit d’une manœuvre délibérée de la part de Jean-Pierre Guillet. [ÉV]
- Source : L'ASFFQ 1993, Alire, p. 93-97.
Références
- Anonyme, Littérature québécoise pour la jeunesse 1993, p. 35.
- Anctil, Mélissa, imagine… 65, p. 100.
- Dupuis, Simon, Lurelu, vol. 16, n˚ 2, p. 22.
- Dupuis, Simon, Solaris 106, p. 65.
- Fortin, Simon, Lectures, vol. 1, n˚ 1, p. 16.
- Ollivier, Dominique, Images, vol. 2, n˚ 5, p. 21.