À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
Deux factions de paroissiens s’opposent sur le choix de l’emplacement de la future église de Trois-Pistoles. L’une veut construire le temple religieux sur la rive du fleuve, l’autre à une lieue du cours d’eau. Le curé appuie le premier groupe et met à contribution un cheval noir de haute taille, qu’il sait être le diable, pour transporter les pierres. Mais un jour, un ouvrier oublie la consigne et débride le cheval. Celui-ci en profite pour disparaître à tout jamais. Parce que le diable a participé à la construction de l’église d’en bas, tous les paroissiens s’entendent pour compléter et utiliser celle de la côte.
Commentaires
Cette légende est sans doute l’une des plus connues et on pourrait très bien reprendre, à l’intention du lecteur, la première phrase : « Qui n’a entendu parler de la légende du diable charroyeur de pierre ? » Je me souviens que dans mon enfance, on racontait cette histoire à propos de l’église de La Baie du Febvre, près de Nicolet. Sans doute chacune des régions a-t-elle sa paroisse qui sert ainsi à dédouaner les autres paroisses du diocèse.
Quoi qu’il en soit, voilà une autre variante de l’image du diable dans la littérature du XIXe siècle, cette représentation étant plutôt débonnaire. Le diable ici n’est pas très dangereux et il faut voir comment le curé réussit à le capturer et à l’asservir : il lui passe tout simplement son étole autour du cou !
On peut se demander pourquoi le curé, qui défendait le choix de l’église près du fleuve, sabote sciemment le projet en y faisant participer le diable. En vain. La légende ne s’arrête pas à ce genre de considérations psychologiques. Elle expose le fait brut : le diable ayant contribué à la construction d’une église ne peut qu’attirer des malheurs à cet édifice. Le diable a donc comme utilité immédiate ici de recréer l’union des paroissiens. En somme, le curé utilise habilement le diable au profit des intérêts de sa communauté de la même façon qu’un prédicateur s’en sert dans ses sermons.
Ce très court texte, dont la forme ressemble à un article journalistique ou à un témoignage de lecteur, est au fantastique du XIXe siècle ce qu’est le fait divers insolite dans les journaux d’aujourd’hui. [CJ]
- Source : Le XIXe siècle fantastique en Amérique française, Alire, p. 11-12.