À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
[2 FA ; 12 FY ; 11 HG]
Le Diable Frigolet
La Colombe
Le Petit Henri
Le Beurre à vingt cents
Jean Latulipe
Jean l'Ours
La Vision dans la chapelle
La Tassée de moche
Clophas le savetier
Le Loup et le renard
Mantiment Facette
Les Trois avis
Le Conte du duga
Jean Haché
Les Pèlerins de Saint-Jacques
Le Pigeon rapporteur
Le Conte d'Avenant
Le Bûcheron et le sifflet magique
L'Oiseau bleu
Le Prisonnier pour vol
Les Trois souhaits
La Mère marâtre
L'Eau qui danse, l'arbre qui chante et l'oiseau de vérité
Le Fermier qui trompe son voisin
Jean Collet
Commentaires
Anselme Chiasson a recueilli des contes aux Îles-de-la-Madeleine au début des années 1960. Il en a réuni 25 dans Le Diable Frigolet qui proviennent de six conteurs différents âgés pour la plupart de soixante ans ou plus. Il n’est donc pas à proprement parler l’auteur de ce recueil mais plutôt le compilateur, puisqu’il a retranscrit les contes en conservant le vieux parler acadien des locuteurs. Ces six conteurs sont : Étienne Lapierre (celui qui compte le plus de récits), Gildas LeBlanc (aucun conte fantastique ou merveilleux), John LeBlanc, Albéric LeBlanc (le fils de John), Léger LeBlanc et Adolphe Guillard (un Français d’origine qui s’est établi aux Îles à l’âge de 22 ans).
Le contes de Guillard sont différents. Le récit me semble plus élaboré et original et, surtout, la langue est plus travaillée, plus littéraire. Il commence ses histoires par « Il est aussi bon de vous dire que… » tandis que les autres utilisent une amorce qui varie peu : « Une fois, c’était un roi et une reine ». Il est étonnant qu’Azade Harvey ne soit pas au nombre des conteurs retenus, lui qui est originaire des Îles-de-la-Madeleine – mais peut-être n’y résidait-il pas ces années-là – et qui a publié plusieurs recueils de contes de l’archipel madelinot au cours des années 1970.
Ce qui frappe de prime abord, c’est le grand nombre de contes qui mettent en scène des rois, des princesses, des fées et des géants, tous des personnages provenant de la tradition européenne. À part la langue imagée et typique des Acadiens – le glossaire à la fin est très utile à cet égard –, il n’y a guère d’ancrage québécois ou acadien dans les thèmes abordés qui sont, il faut le dire, avant tout universels. On ne peut donc pas parler de couleur locale, le lieu des exploits des personnages (souvent un jeune homme qui prend la route en quête d’une vie meilleure) n’étant jamais nommé.
En comparaison, les contes d’Azade Harvey contiennent de nombreuses références à la géographie du territoire madelinot. En outre, le recueil de Chiasson ne donne à lire que deux textes ayant le diable comme protagoniste : le conte éponyme et « La Vision dans la chapelle ». Le corpus fantastique de la première moitié du XXe siècle au Québec fait pourtant une large place à cette figure incontournable.
Une fois ces limites ou ces considérations acceptées, le lecteur se laisse prendre à ces récits dans lesquels abondent les péripéties enlevantes, les rebondissements improbables et les phénomènes merveilleux qui révèlent le fond de la nature humaine. Jalousie, appât du gain, méchanceté, ivrognerie, ambition démesurée, tous les travers de l’humanité sont étalés, les méchants punis à la fin et celui ou celle qui a fait preuve de courage, d’honnêteté et de générosité est récompensé.
Parmi les meilleurs contes, mentionnons « L’Oiseau bleu » de Léger LeBlanc et « Jean Collet » d’Adolphe Guillard. LeBlanc livre un récit très original qui se distingue par son inventivité et sa tonalité poétique. La structure est sophistiquée et l’histoire aborde un sujet récurrent dans les contes, la préférence maternelle pour un enfant au détriment d’un autre, surtout quand celui-ci ne lui est pas lié par le sang. La jalousie et la relation mère-fille est aussi au cœur de « La Mère marâtre », un conte d’une très belle tenue. Quant à « Jean Collet », sa particularité est de se situer nommément en France. De Bordeaux à Londres, de Marseille à Paris, Jean Collet vit des aventures rocambolesques au bout desquelles son empathie et sa commisération sont citées en exemples comme valeurs humaines à cultiver.
Sur les 25 contes réunis par Anselme Chiasson, douze relèvent du merveilleux (de la fantasy) et deux du fantastique (le diable). Compte tenu que plusieurs récits reposent sur des personnages de jeune homme pauvre mais ambitieux et courageux, un archétype nommé Ti-Jean – « Jean l’Ours » en est l’illustration parfaite –, Le Diable Frigolet fait penser à la série de recueils de Ti-Jean publiés par Melvin Gallant, lui-même un Acadien du Nouveau-Brunswick. [CJ]