À propos de cette édition

Éditeur
A. Filiatreault
Genre
Fantastique
Longueur
Nouvelle
Paru dans
Canada-Revue, vol. III, n˚ 3
Pagination
40-42
Lieu
Montréal
Année de parution
1892

Résumé/Sommaire

Le narrateur commence par évoquer sa peur du diable, « le cauchemar de [ses] premières années ». Puis il confie son attirance pour les navires, une curiosité qu’enfant il avait voulu assouvir, avec un ami, en s’approchant à l’aviron d’un navire sombre en rade à Lévis. La figure de proue – le formidable Neptune armé d’un trident – leur avait semblé être l’image d’un démon. Mais c’est le hurlement entendu, puis le visage dément brusquement apparu à un hublot, qui les avait épouvantés pour de bon et qui avait plongé le narrateur dans la fièvre et le délire. Par les journaux et le témoignage d’un arrimeur, on avait ensuite connu une partie de l’histoire : un marin dissolu, alcoolique, s’était fait enfermer dans une cabine pour échapper au démon. En pleine crise de delirium tremens, il s’était enflammé – combustion spontanée – et on n’avait retrouvé que son squelette carbonisé.

Commentaires

Le style poétique de Fréchette est ici à son meilleur lorsqu’il évoque les navires, leur équipage et leurs voyages du point de vue d’un jeune citadin, puis lorsqu’il décrit l’approche (à bord d’un tronc d’arbre creux en guise de canoë) sur les eaux calmes des battures. Des bribes de Mark Twain me sont venues à l’esprit, une évocation tendre de l’enfance et de ses rêves d’aventure. L’irruption de l’épouvante n’en est que plus saisissante.

Quinquagénaire à l’époque de la publication du « Diable », le conteur maîtrisait parfaitement ses effets. À preuve la longue introduction, d’un lyrisme contenu, qui occupe la moitié de la nouvelle, et l’explication finale, relevant presque de l’ellipse, par laquelle l’écrivain évacue le surnaturel religieux (l’évocation du diable) en y substituant un fantastique naturaliste, la fameuse « combustion spontanée » chère aux contemporains de Zola. Tout se passe comme si Fréchette avait voulu opposer les superstitions générées par une société trop soumise au clergé, et les phénomènes mis au jour par la science (les effets présumés de l’alcoolisme, mais d’un point de vue physique plutôt que moral).

Je n’hésiterais pas à inclure cette nouvelle dans une anthologie. [DS]

  • Source : Le XIXe siècle fantastique en Amérique française, Alire, p. 79.