À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
Le Human Science Group du Montana, dirigé par Ross Luckenbach, fait appel aux services du réputé mathématicien québécois Michel Grandmaison pour lui venir en aide. En effet, les recherches du groupe en robotique plafonnent depuis quelque temps déjà et on croit pertinentes et utiles les récentes découvertes du savant québécois dans le domaine mathématique de la théorie fractale des expansions. En outre, une contrainte majeure fait obstacle aux chercheurs du Human Science Group : l’organisme étant subventionné exclusivement par des groupes religieux à forte tendance antiscientifique, il est formellement interdit aux savants du HSG d’utiliser des ordinateurs binaires (ce qui constitue 99,9 % des ordinateurs). Pour les bonzes du groupe de recherche, l’usage de tels appareils irait à l’encontre de la volonté divine, car il avilirait le plus beau cadeau que Dieu ait fait à l’homme : la pensée.
Autres parutions
Commentaires
Ne peut jouer à Dieu qui veut. Telle pourrait être la phrase clé qui résumerait en sept mots l’essence de la philosophie véhiculée dans ce texte. Mais meilleur encore que ne l’est cette phrase, le titre inventé par Joël Champetier est une petite merveille en soi. Oui, à chaque fois que je relis cette brillante nouvelle, je m’accorde le petit plaisir de m’arrêter dès le départ pendant quelques secondes pour méditer sur les sens cachés des trois petits mots qui composent le titre ; dix lettres, deux virgules, et tout y est, rien ne manque pour bien saisir les messages de l’auteur.
— « Dieu, un, zéro » : supprimez la seconde virgule et vous verrez ce que certains personnages pensent de l’attitude du clergé ;
— « Dieu, un, zéro » : et voyez comment cohabitent la religion et les chiffres (la science) ; remarquez lequel a priorité sur l’autre ;
— « Dieu, un, zéro » : notez la proximité phonétique entre « Dieu » et « deux » ; de là, il ne reste plus qu’un pas pour amorcer le compte à rebours, un décompte reflétant une forme de régression ou de retour en arrière que l’on retrouve dans les propos de certains protagonistes conservateurs.
Puis je commence ma lecture d’un texte sobre, bien écrit et qui a l’heur de soulever un débat fort intéressant : la religion contre la science. « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme », écrivait Gargantua à son fils Pantagruel : bien sûr, le cœur du sujet est quelque peu déplacé dans le récit de Joël Champetier, mais il est indéniable qu’il pose de fertiles questions d’ordre philosophique, bases de discussions tout à fait stimulantes.
Texte remarquablement bien rédigé, « Dieu, un, zéro » atteint son apothéose dans une conclusion coup de poing qui laisse le lecteur pantois et ému. Moins Joël Champetier en écrit long, plus court il fait, le plus évocateur il devient. L’ellipse et l’allusion sont chez lui peut-être ses plus grandes qualités littéraires. Si une vérification de ce que j’avance vous intéresse, attardez-vous plus particulièrement au titre et au dénouement de la nouvelle. [SR]
- Source : L'ASFFQ 1993, Alire, p. 53.