À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
La famille Faribault reçoit la visite de Philippe Demers, un inconnu qui se prétend l’ami de la défunte tante Émilie. Réputée pour ses séjours dans des hôpitaux psychiatriques, Émilie lègue un héritage à la jeune Joëlle. Il s’agit d’un vieux journal ne contenant que des colonnes de mots et de dates raturés. Quand la jeune fille touche le journal pour la première fois, elle croit entendre le bruit du vent. Le même phénomène se reproduira chaque fois. Intriguée par le mystérieux cadeau, Joëlle décide de le tester en secret : elle écrit à l’intérieur la date du lendemain. Sa chambre semble emportée dans un tourbillon et Joëlle s’aperçoit qu’elle vient de faire un bond d’une journée dans le futur. Pour revenir au présent, il lui suffira de raturer la date qu’elle avait tracée.
Excitée par le don extraordinaire qui vient de lui être accordé, Joëlle décide d’en profiter. Comme la fin de l’année approche, elle effectue quelques plongées dans le futur pour connaître les questions des examens. De plus en plus sûre d’elle-même, elle se permet ensuite d’autres voyages. L’un d’eux lui montre qu’elle sera trompée par sa meilleure amie Sonia, et Joëlle fera une colère dès son retour.
Inquiets du comportement de leur fille, les parents Faribault lui demandent de consulter un psychiatre. Pour se faire pardonner, Joëlle va voir le docteur Bernard Perras qui l’écoute gentiment. Tout rentre dans l’ordre, les problèmes de Joëlle étant mis sur le compte de l’embonpoint qui l’amène à se déprécier. Devant la compréhension dont fait montre Perras, la jeune fille décide de tout lui dire à propos du journal d’Émilie.
Mais elle n’aura pas l’occasion de lui présenter de preuves, car un accident se produit qui propulse Joëlle un an plus tard. L’adolescente constate qu’elle est invisible, puis elle comprend la raison de cette nouvelle particularité : pour tout le monde, Joëlle Faribault est morte, ou à tout le moins disparue sans laisser de trace. Elle parvient à contacter ses deux frères et Philippe Demers qui l’aideront à enquêter sur sa propre disparition. Ils soupçonneront Bernard Perras d’avoir kidnappé Joëlle afin de connaître à l’avance, grâce au journal, les fluctuations de la Bourse. Revenue dans le présent, Joëlle finit par se demander si Perras n’a pas raison : ne serait-elle pas en train de sombrer dans la paranoïa ? Voulant redevenir une jeune fille normale, elle brûle le journal qui lui a causé suffisamment de tracas.
Autres parutions
Commentaires
Quatrième livre et troisième roman du tandem Schinkel-Beauchesne, Le Don a mérité le Prix du Gouverneur général dans la section Littérature pour jeunes. (Soulignons que parmi les ouvrages primés à ce concours durant les cinq dernières années, trois relèvent du domaine qui nous intéresse ici, les deux autres étant : Le Cercle violet de Daniel Sernine, et Hockeyeurs cybernétiques de votre serviteur.)
Avant de se mettre à publier dans des collections pour la jeunesse en 1986, David Schinkel et Yves Beauchesne n’étaient pas des inconnus pour les intervenants des milieux scolaires et littéraires. En effet, tous deux animent depuis plusieurs années des ateliers d’écriture et de lecture auprès des jeunes et des adultes, en plus d’avoir publié des textes sur la question. Le Prix du Gouverneur général n’est d’ailleurs pas le seul honneur qu’ils ont mérité depuis deux ans. Voilà donc un tandem avec qui la littérature jeunesse devra dorénavant compter.
Avec Le Don, ils nous livrent un excellent roman dont devraient raffoler les jeunes lecteurs de 14 ans et plus. La principale qualité du livre, à mon avis : la clarté. Contrairement au Simon Yourm de Gaétan Lebœuf qui jouait l’année dernière avec le même thème, celui du voyage dans le temps, Schinkel-Beauchesne ne forcent jamais le lecteur à entrer dans des labyrinthes d’incompréhension. Les trajets temporels parfois complexes effectués par la voyageuse sont toujours expliqués en long et en large, sans que des détails importants ne soient omis. En conséquence, l’histoire s’avère plausible, logique en tout cas. La clarté va aussi de pair avec la simplicité. Nul excès dans l’intrigue, tout est sous le signe de la sobriété. L’apparition du journal-à-voyager-dans-le-temps perturbe la vie de Joëlle Faribault, mais les événements restent bien accrochés à une quotidienneté reconnaissable.
La science-fiction et le fantastique restent très soft tout le long du roman. Pas de gadget, pas de quincaillerie, pas de bonds dans un futur éloigné. Le vieux journal de tante Émilie, seul élément non réaliste de l’histoire, serait d’ailleurs plus à l’aise dans l’attirail fantastique que dans celui de la SF. C’est un peu comme si l’objet réussissait ici à conjuguer les deux genres.
Les réactions de Joëlle à la suite de ses voyages finissent vraiment par ressembler à des manifestations paranoïaques. À tel point qu’on se demande si ce n’est pas l’équivoque docteur Perras qui a raison et Joëlle qui fabule. On assiste donc à une chute progressive vers la folie, chute à laquelle l’héroïne finira par se soustraire. Mais la tentation était bel et bien là, ce qui donne au roman une forte touche psychologique. Certaines préoccupations propres à l’adolescence renforcent cet aspect : la haine que Joëlle éprouve pour son corps, la découverte des premières trahisons, la naissance des désirs amoureux, la drogue, etc. En voyageant dans l’avenir, Joëlle découvre une dimension des êtres qu’elle ignorait auparavant : la potentialité. Les gens qu’on aime et qu’on croit connaître peuvent nous surprendre, s’ils sont placés dans une situation inhabituelle.
L’écriture du roman est comme son intrigue. Limpide et efficace. Pas de fioritures torturées qui nuiraient à la lecture, mais quand même de jolies tournures parfois. Les dialogues sont tout à fait dans la note souhaitée, ni charriés ni trop littéraires.
Cet équilibre en tout constitue la grande réussite du roman. [DC]
- Source : L'ASFFQ 1987, Le Passeur, p. 21-22.
Prix et mentions
Prix du Gouverneur général (littérature jeunesse) 1987
Références
- Chartrand, Sébastien, Lurelu, vol. 47, n˚ 1, p. 63-64.
- Demers, Dominique, Le Devoir, 19-12-1987, p. D-6.
- Gélinas, Michèle, Lurelu, vol. 11, n˚ 1, p. 15.
- Laurin, Michel, Nos livres, avril 1988, p. 17-18.
- Madore, Édith, Les 100 livres québécois pour la jeunesse qu'il faut lire, Québec, Nota bene, p. 161-162.