À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
Commentaires
Pas de nom d’auteur, pas de date de parution, pas d’éditeur. Vraiment étrange. Comme le livre contient deux textes qui reprennent une version donnée par Henri-Raymond Casgrain, Bibliothèque et Archives nationales du Québec lui en attribue la paternité qu’elle situe entre 1895 et 1945. Mais pourquoi aurait-il publié une version tronquée de ses deux légendes et proposé une version étriquée d’un conte de Faucher de Saint-Maurice et de Joseph-Charles Taché ?
Nous croyons plutôt qu’il s’agit d’une édition produite en France pour un public français. Cela expliquerait pourquoi l’auteur a voulu conserver l’anonymat. Il avait peut-être peur d’être poursuivi en justice pour plagiat malgré le fait que les contes du répertoire québécois du XIXe siècle ont souvent été repris et modifiés par les écrivains du cru. Plusieurs indices laissent croire que ces quatre textes ont été écrits par un Français.
Dans « La Dame aux glaïeuls », les Iroquois attachent un prisonnier à un platane. Or cet arbre n’est pas présent au Québec. Dans « L’Amiral du brouillard », à la toute fin, un commentaire donne nettement l’impression que le récit est écrit d’un point de vue étranger (comprendre français) : « Cette histoire canadienne se montre en cela fidèle aux traditions des contes bretons. » N’éprouve-t-on pas le sentiment ici qu’il s’agit d’une tentative d’assimilation, d’incorporation, de récupération d’une histoire pour l’intégrer au corpus français ? Dans « Le Tableau de la Rivière-Ouelle », le narrateur qui met la table pour la présentation de la légende par la grand-mère interpelle le lecteur : « Canadiens, soyez noblement fiers de vos croyances. […] Grand’maman (Mémère comme on dit là-bas) se balance avec lenteur… »
Au-delà de ces considérations, quelle est la valeur de cette édition ? De nombreuses erreurs se glissent dans les textes. On utilise indifféremment Canadiens et Américains dans le premier récit et l’auteur semble considérer que Récollets et Franciscains appartiennent au même ordre, ce qui est évidemment faux. Ailleurs, il est question, en parlant de la traversée de l’Atlantique, des vents de la mousson, expression qui convient plutôt à l’océan Indien.
Toutefois, ce qui heurte le plus dans Drames de la forêt canadienne, c’est l’entreprise d’émondage pratiquée par l’auteur, particulièrement dans « La Dame aux glaïeuls », dont le titre original est « La Jongleuse », qui sacrifie toute la partie brossant un portrait des mœurs paysannes. Quant à « L’Amiral du brouillard », le conte s’éloigne beaucoup de la version popularisée par Faucher de Saint-Maurice, plus longue et plus romantique. C’est « La Légende du Noyeux » qui respecte le plus la version canonique fixée par Joseph-Charles Taché, quoique la présence d’un prologue original esquissant un décor hivernal canadien, avant de présenter le conteur qui livre la légende, n’ajoute pas grand-chose au récit.
La présentation matérielle du recueil est aussi bizarre que les intentions derrière cet ouvrage. La mise en page du dernier texte est différente (l’interligne est plus espacé) et ne contient aucune illustration alors qu’elles sont abondantes dans les autres textes. En somme, à mes yeux, il n’y a aucune valeur ajoutée à ce recueil. Mieux vaut lire la version originale de ces contes plutôt que ces versions réduites, voire dénaturées, qui composent Drames de la forêt canadienne. [CJ]