À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
Monsieur Jérôme est un vieil homme en souffrance, usé par la maladie, qui se trouve seul à l’hospice pour y écouler les derniers jours de sursis que son cancer généralisé daigne encore lui laisser.
Alors que toute son attention était centrée sur sa lutte, sa douleur et l’érosion de ce qu’il appelle lui-même « sa pauvre carcasse », Jérôme accueille l’arrivée de Pascale, une jeune bénévole au réconfort quelque peu maladroit, telle une distraction inespérée. Sa longue chevelure parfumée rappelle au vieil homme celle de sa sœur Gisèle, chastement mais sincèrement aimée, puis trop tôt perdue, dont il porte encore au cou une précieuse mèche rousse à l’intérieur d’un écrin de toile.
À la suite de cette rencontre avec cette Pascale-Gisèle, Jérôme commettra un geste tragique et décisif au nom de l’amour pour une femme qu’il souhaite à tout prix protéger.
Commentaires
À l’aide d’une narration omnisciente au vocabulaire riche et varié, le lecteur entre de plain-pied dans l’univers douloureux du personnage principal, monsieur Jérôme, qu’il accompagne dans ses luttes et ses questionnements sur la vie, la mort, le temps qui nous est imparti – inextricablement lié à la jeunesse et à son opposé, l’inévitable vieillesse – de même que sur la dignité des êtres dont on tente de prolonger la survie. Cela, en s’intéressant parfois davantage aux excitants instruments technologiques employés (ce sera le cas de l’une des infirmières représentées dans cette nouvelle) qu’à l’individu qu’ils servent à traiter.
Le style de la nouvelle est intéressant et bien maîtrisé. Les contrastes y sont exploités tout en finesse et l’on fait abondamment appel aux sens pour décrire la relation naissante entre Jérôme et Pascale. Le toucher est illustré par le geste de la bénévole qui serre les mains du vieil homme avec effusion dès sa deuxième visite, tandis que lui s’inquiète de voir pénétrer l’aiguille qui le nourrit plus avant dans sa chair. Ce sens est présent aussi dans la création du lien, du souvenir reliant Pascale et Gisèle, dont Jérôme effleure à l’occasion la mèche de cheveux conservée en secret, comme pour lui réinsuffler quelques ondes de vie.
L’odorat est quant à lui employé pour octroyer à Pascale toutes les caractéristiques propres à la jeunesse, telles la fraîcheur, l’odeur des prés et de l’herbe fraîchement coupée. On fait aussi usage de ce sens, mais de manière négative cette fois, pour décrire l’environnement de l’hospice, l’enlaidir et l’affubler de cette odeur infecte mais aseptisée qui ne quittera le personnage principal que lorsque son âme délaissera définitivement son corps, rendant l’écrin de satin (celui ornant son propre cercueil) vide.
À ce moment seulement constate-t-on la fin des souillures, des textures désagréables, des odeurs et des transferts de fluides douloureux, voire dangereux qui sont, tout au long du récit, rattachés à la vie.
En somme, par différents procédés d’écriture finement choisis, l’auteur a mené le bal d’un pas sûr, et il en résulte que cette nouvelle comportant tout de même dix-huit pages se lit comme un charme. [MEL]
- Source : L'ASFFQ 1995, Alire, p. 93-94.