À propos de cette édition

Éditeur
L'instant même
Genre
Hybride
Longueur
Recueil
Format
Livre
Pagination
109
Lieu
Québec
Date de parution
12 juin 2000
ISBN
9782895021377
Support
Papier
Illustration

Résumé/Sommaire

[5 FA ; 5 HG]
Alexandrie, Alexandrie
L'Ancien Monde
La Clé des océans
Le Fantôme d'Howard Carter
À la dérive
Le Temps perdu
Printemps
Dans les limbes
La Clé des vents
Reconquista

Autres parutions

Commentaires

Quel plaisir de lecture que ce recueil de Nicolas Dickner ! Vraiment, je n’en attendais pas tant de ce premier livre au titre un peu rébarbatif, « L’Encyclopédie du petit cercle. L’auteur s’inspire de la grande tradition des encyclopédistes pour composer un recueil de dix textes intelligent, drôle et érudit.

Chacun des textes commence par la définition d’un mot qui, comme dans toute bonne encyclopédie, fait référence à des livres ou à des personnes qui ont fixé ou établi par leur influence la définition de ce mot. Mais voilà ! Chez Dickner, ces livres sont apocryphes ou mythiques et les personnes citées sont fictives. Les mots eux-mêmes sont suaves tout autant que leur supposé sens ou leur pseudo-origine : attrape-papillon, Chadouferie, Cadillac carbonifère, cul-de-sac épidermique, arctique affectif, attrape-méduse, chenilles gastriques, bombardement limbique, dérapage tectonique, Cancer du Tropique. En fait, chaque nouvelle est une illustration de la définition succincte présentée en début de texte.

L’unité du recueil est remarquable car elle est renforcie par une inspiration commune à chacune des nouvelles, des thèmes récurrents et des personnages qui reviennent épisodiquement – au premier chef, l’exubérante et fantasque Karyne Stern. Prises individuellement, ces nouvelles ne présentent que peu d’intérêt. C’est leur réunion en recueil qui en fait le prix car ici, le tout est infiniment supérieur à la somme des parties.

Pour emprunter la manière des encyclopédistes, passons en revue les qualités du recueil de Dickner.

Où il est question de l’érudition. L’auteur fait souvent appel à des notions scientifiques pour expliquer le monde dans lequel se débattent ses personnages. Toutes les sciences y passent – l’astronomie, la cartographie, la géographie, la mythologie – mais elles se révèlent impuissantes à expliquer quoi que ce soit. L’instinct, l’intuition et l’imagination y parviennent beaucoup mieux. L’auteur ne dénigre pas pour autant le discours scientifique ou l’érudition, il les met tout simplement en perspective avec une lucidité réjouissante. Il faut suivre le cours de mythologie appliquée du professeur Gotop dans « La Clé des vents » pour goûter l’humour de Dickner.

Où il est question des influences littéraires. Elles sont nombreuses dans ce recueil. L’éditeur mentionne Borges et Swift. Soit. Je préfère regarder du côté québécois. Il y a certes du Claude Mathieu dans ce souci d’érudition, fausse ou réelle, peu importe, qui constitue la base du recueil. Il y a aussi du Jacques Poulin dans cette façon d’exprimer la tendresse qui marque malgré tout les relations douces-amères entre Karyne et ses amants. Cette impression est confirmée dans le texte quand la jeune femme mentionne qu’elle relit inlassablement Volkswagen Blues. Et il y a enfin l’influence de Jacques Ferron, une double influence même.

Le caractère fantasque et aventurier de Karyne rappelle Tinamer de Portanqueu, l’héroïne de L’Amélanchier. Rebelle, intense et entière, Karyne s’invente une réalité exotique pour fuir la médiocrité ambiante. Fabulatrice hors pair, mythomane, elle veut faire éclater les frontières du Québec et courir le monde. Elle fait souffler sur le recueil ce vent de liberté, cet appel du grand large que l’on trouve chez l’auteur du Saint-Élias et de La Chaise du maréchal-ferrant. Cette soif de l’aventure est particulièrement bien rendue dans la dernière nouvelle, « Reconquista », la plus longue et la plus émouvante du recueil. Et pourtant, jamais ces influences ne sont gênantes ou agaçantes parce que l’auteur les assimile parfaitement et qu’elles contribuent à créer un style et une voix uniques ici.

Où il est question du fantastique. Par sa composition, le recueil de Dickner se réclame d’un procédé cher à la grande tradition ancienne du fantastique : les livres apocryphes. Dans un avant-propos enlevé et savoureux, l’auteur explique la genèse de son recueil en évoquant la subtilisation de trois des quatre tomes de l’Encyclopédie du petit cercle par la fameuse Karyne qu’il a hébergée. Toutes les références égrenées au début de chaque texte renvoient au tome I de cet ouvrage mythique, véritable grimoire de la connaissance. En revanche, toutes les nouvelles ne sont pas fantastiques, peu s’en faut. Il s’agit d’un fantastique proche du surréalisme ou du réalisme magique. C’est dire qu’il ne mise absolument pas sur la peur pour ferrer le lecteur. Le fantastique favorise ici l’expression de la déviance, la rupture de l’ordre ancien. Il est proprement libérateur et salutaire.

Où il est question d’inventivité. L’inventivité est présente partout dans l’œuvre de Dickner : dans les idées, dans l’écriture, dans la forme. C’est un véritable régal pour l’esprit, une porte ouverte sur l’imagination vagabonde. J’avais, par obligation, emporté avec moi pour mes vacances à la mer le recueil de Dickner en croyant m’y emmerder. Je n’ai jamais fait un meilleur choix. La vue de l’océan met immédiatement le lecteur dans un état d’esprit tout à fait identique à celui que veut induire ce formidable recueil. Je souhaite de tout cœur que Nicolas Dickner poursuive son magnifique travail de création. Le prix Adrienne-Choquette qu’il a reçu pour ce recueil est tout à fait mérité. [CJ]

  • Source : L'ASFFQ 2000, Alire, p. 56-58.

Prix et mentions

Prix Adrienne-Choquette 2001

Prix Jovette-Bernier 2001

Références

  • Desmeules, Christian, Le Devoir, 12/13-08-2006, p. E 2.
  • Fortin, Marie-Claude, La Presse, 02-07-2006, cahier Lectures, p. 4.
  • Nareau, Michel, Nuit blanche 105, p. 21.