À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
Printemps 1758. Nouvelle-France. Ville de Neubourg. C'est une période de guerre et de pauvreté. La vieille sorcière Palmyre Davard, aiguillonnée par la haine ancestrale que porte sa famille aux Michay, décide de dresser les deux clans l'un contre l'autre. Son arme : les envoûtements. Des champignons magiques ramenés par un jeune et mystérieux complice facilitent ses opérations. Elle vole le coq d'Amable Michay et le faucon de Jean Davard et force les deux animaux à se battre. Envoûtés, les deux chefs de famille s'affronteront aussi en duel. Puis le vieux Didier Bertin, du clan Michay, est la cible d'un rituel incantatoire : en asphyxiant le chien du vieillard au-dessus d'une roche sacrée, Palmyre tuera en même temps l'homme.
Ces actes ravivent les passions dans le bourg. L'amitié entre trois jeunes amis, issus des deux familles, s'en trouve bouleversée. Thomas Michay décide de se venger en commettant un crime chez les Davard, mais il est arrêté avant d'avoir pu agir, puis mis au cachot. Martine Vignal, de son côté, mène une enquête discrète. Pour Florian Davard, l'autre membre du trio, sa jalousie envers Thomas s'ajoute à la suspicion familiale. Le père de Florian intervient en faveur de Thomas afin que l'ombre du passé cesse de s'étendre. Mais les étranges visions qu'a Martine n'annoncent pas un avenir très rose.
Enfin, c'est en tentant de perpétrer un nouvel acte de sorcellerie que Palmyre est découverte. Elle s'effondrera sous les coups d'une population en colère et périra par le feu. Son complice, quant à lui, parviendra à s'enfuir sans que l'on soit sûr de son identité.
Commentaires
Ce roman se situe dans un cycle qui pourrait être appelé le conflit Davard-Michay. Rappelons que si Daniel Sernine, en tant qu'auteur pour adultes, est au moins aussi connu pour sa production SF que pour ses œuvres fantastiques, par contre il n'a écrit pour les jeunes que deux romans de science-fiction. Ses cinq autres œuvres pour la jeunesse font partie du cycle fantastique basé sur le conflit ancestral entre les deux familles québécoises. L'une de ces familles, les Davard, est issue de la noblesse française. L'autre, les Michay, est une famille de parvenus. Comme l'explique le narrateur (p. 52), « de pareilles rancœurs contribueront dans trente ans à amener la Révolution » (française, évidemment). Le passé des deux clans en est un de haine meurtrière, d'autant plus que les Davard comptent parmi leurs ancêtres un sorcier, Luc-Alexandre, qui a accompli les plus affreux crimes contre ses ennemis. Depuis, les actes de vengeance ne se comptent plus. Dans les périodes d'accalmie, la colère et la méfiance couvent sous les cendres à peine refroidies.
Les romans de ce cycle sont donc à la fois historiques (intrigues situées au cœur d'événements réels de l'Histoire) et fantastiques (vu le contexte, il s'agit d'un fantastique gothique). D. Sernine sait utiliser à bon escient les ingrédients traditionnels de ce type de fantastique. Ici : oiseau de malheur (le faucon), passage secret, incantations, envoûtements, lieu sacré, herbes magiques, apparition d'un revenant (le sorcier mort Luc-Alexandre), visions prémonitoires. L'auteur possède de plus une excellente connaissance de l'époque où il situe ses personnages. Tout le long du texte, on lit des termes se rapportant à des réalités aujourd'hui disparues (habillement, équipement militaire, véhicules, etc.). Une certaine lenteur dans le rythme de l'écriture (impeccable, soit dit en passant) achève de donner l'impression que l'on a affaire à un roman ancien.
Les Envoûtements est pourtant une œuvre récente, avec ses clins d'œil (le chien nommé Voltaire, un médecin appelé Seignole) et son personnage féministe avant la lettre (Martine, personnage positif le plus important du livre : c'est elle qui tire les ficelles de la réconciliation). Les femmes d'ailleurs, et Martine au premier chef, ne participent généralement pas à ce jeu de la haine inter-familiale. Elles jouent plutôt dans le roman un rôle de conciliatrices, elles cherchent à apaiser les colères. Ce sont les hommes qui vont à la guerre, ce sont les hommes qui nourrissent en eux les inimitiés. Précisément les hommes adultes, car les jeunes n'embarquent pas spontanément eux non plus. Je serais tenté de voir dans le roman un souhait adressé par l'auteur à toute la jeunesse du monde : que les jeunes fassent table rase des âneries de leurs aînés.
Moins écrit, moins fignolé que Le Cercle violet, ce livre souffre toutefois de moins de longueurs. Il est court, agréable à lire, tout en ne renfermant rien de neuf ni d'original. Le projet de Daniel Sernine est de créer une atmosphère gothique, et c'est réussi. Le roman s'achève sur quelques mystères non résolus : qui est ce jeune homme qui aide Palmyre ? D'où viennent à Martine les pouvoirs qui lui donnent ses visions ? Sa dernière prémonition (la mort de Florian) se réalisera-t-elle ? Le cycle n'est donc pas terminé, une suite s'en vient sans aucun doute. [DC]
- Source : L'ASFFQ 1985, Le Passeur, p. 111-113.
Références
- Andriat, Franck, Marginalia 224, Belgique, p. 40.
- Bellemare, Madeleine, Nos livres, août-septembre 1985, p. 19-20.
- Demers, Dominique, Le Devoir, 27-07-1985, p. 18.
- Lord, Michel, Lurelu, vol. 9, n˚ 1, p. 16-17.
- Marquis, Daniel, Des livres et des jeunes 26, p. 46.
- Massicotte, Lisa, Droit de passage, vol. 6, n˚ 3, p. 7.