À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
Dans une suite de cartes postales, Érika Stemmeln, l’expéditrice, tente d’établir puis de maintenir le contact avec un homme, sûrement un intime, qu’elle ne nomme jamais. Adressées à Carl I. Holsgen, les cartes aboutissent plutôt chez un certain Charles Giloin, employé du cimetière communal de Nocher-sur-Styx. Érika tente de revoir Carl, elle lui fixe rendez-vous, le manque, lui demande de revenir à elle, insiste sur leur besoin respectif de l’autre. Et bien que Charles ne réponde à aucune des cartes, les propos d’Érika laissent entendre qu’elle reçoit des réponses. Puis, qu’elle n’en reçoit plus. Et qu’elle se désespère. Lorsque Charles décide enfin de lui restituer ses cartes et de l’informer du quiproquo, la poste lui retourne le paquet, timbré « adresse inexistante ».
Commentaires
Cette nouvelle épistolaire est constituée d’un prologue de l’auteur, des huit cartes postales d’Érika S. datées du 5 mai – la première – au 20 juillet – la dernière –, d’une lettre de Charles Giloin adressée à Érika et d’un épilogue de l’auteur. La signataire des cartes s’adresse à celui qu’on présume être Carl, puisque son nom figure comme destinataire, en l’appelant frater, frère, pair ou Doppelgänger. Elle laisse donc entendre qu’elle interpelle son double. Or, l’auteur exploite à fond cette figure du double sans jamais la nommer, se contentant d’utiliser une seule fois l’équivalent allemand Doppelgänger. Par exemple, Érika est-elle le double de Carl, ou vice-versa ? Est-elle aussi un double d’Érich l’auteur ? Lequel, de Carl ou de Charles, est le double de l’autre ? Autre question, si Érika se prétend le double de Carl, devient-elle, par commutation des doubles, aussi le double de Charles ? Ou vice-versa ? Finalement, l’ensemble des personnages n’est-il pas le double d’Érich l’auteur ? Après tout, c’est lui qui soulève toutes ces questions. Et lui, il peut se créer autant de doubles qu’il veut.
Cependant, ce thème-et-variations sur une seule figure risque d’ennuyer, voire d’irriter plus d’un lecteur. C’est que l’auteur met en scène le mystère de manière délibérée, il pratique l’équivoque, l’ambigu et le sous-entendu. Il lance des pistes, donne des indices et même des références. Sans rien dévoiler pour autant. Il laisse peu d’espoir au lecteur de tomber sur des rebondissements, voire de rencontrer des éléments d’intrigue savoureux et consistants. Remarquons simplement qu’il s’est bien concentré sur l’écriture, sans doute au détriment de l’intrigue. Ajoutons, à son crédit, que son texte possède un ton et une expression poétique appréciables, des images bien trouvées, une langue riche et déliée. Mais il en aurait fallu un peu plus que ce jeu du non-dit, aussi joliment tourné soit-il. [RG]
- Source : L'ASFFQ 1996, Alire, p. 116-117.