À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
La malédiction est enfin levée : les Asvens peuvent sortir de l’archipel de Vrénalik et renouer avec le Sud, ce monde industrialisé dont ils dépendent sans toutefois avoir eu de contact avec lui.
Depuis que Taïm Sutherland a ramené la statue maléfique, depuis qu’on l’a détruite lors d’une cérémonie impressionnante, la liberté est accessible au peuple de Strénid. La liberté… et la vie ! Mais que faire de ces nouvelles données, comment les utiliser ?
Premier de sa race à franchir l’océan, Strénid a parcouru le Sud pendant un an avec Chann Iskiad, cette femme qui avait envoyé Taïm aux Asvens, cette femme qui avait connu Jouskilliant Green, cette femme, donc, qui avait permis à elle seule la délivrance tout entière. Pendant ce temps, sur l’archipel, le peuple reprend courage et sort de sa léthargie séculaire. Le comité chargé de veiller sur le peuple en l’absence de Strénid participe aux nouveaux élans en organisant des manifestations collectives, en encourageant les nouvelles entreprises.
Taïm, qui a frôlé la mort et qui n’a plus toute sa tête, a été nommé “jayènn” – un ancien titre chargé de puissance et de magie – et tous les gens de l’archipel le vénèrent. Revenant lentement à lui, il fait partie de ce nouvel élan qui anime l’archipel, tout comme Anar Vranengal, l’apprentie du sorcier Ivendra, disparu lors de la découverte de la statue de Haztlén, le dieu-océan, et plusieurs autres. Lorsque Strénid reviendra, c’est avec Anar qu’il se mariera, associant de nouveau les côtés sombres et lumineux des traditions asvens.
Mais les années passent. Si les Asvens sont de plus en plus habitués à traverser au Sud, Taïm n’y est toujours pas retourné. Il décide finalement d’aller revoir sa mère et sa soeur à Ister-Inga, après six ans d’absence.
Au Sud, Taïm retrouve une famille où rien n’a changé, où tout est figé dans l’attente, un peu comme c’était le cas à Frulken lorsqu’il y avait débarqué. Il y passera deux ans, exerçant de petits métiers ou étant chômeur, s’étonnant de l’atmosphère carcérale de son pays d’origine. Mais un soir, des Asvens viennent le chercher : Strénid a besoin de lui… au Catadial !
Commence alors une nouvelle période de vie intense pour le jayènn de Vrénalik. Strénid, en effet, a conclu des ententes avec l’empereur du Catadial : en échange de son jayènn, qui sera au service du Catadial pendant douze ans, les Catadiens construiront une ville moderne pour les Asvens sur la côte sud tout en leur cédant ces terres. Taïm hésite, craignant l’arnaque, mais la philosophie qui prévaut au Catadial, pays aussi moderne qu’Ister-Inga, et qui permet à tous ses habitants de vivre en paix et heureux, lui font accepter le contrat. Cependant, dès le début, la maladie le cueille et Taïm se retrouve presque totalement paralysé.
De nombreuses années seront nécessaires pour qu’il revienne à la normale. Il se liera d’amitié entre-temps avec deux Catadiens, le jayènn Marleï, qui s’occupera de lui, et le todem Vigjin, un professeur de danse avec lequel il développera la façon non-conventionnelle de son talent. Plus tard, il y aura aussi la naissance d’une grande passion entre lui et la reine Solume, et ce avec la bénédiction de l’empereur Othoum. C’est ce dernier qui, finalement, dévoilera à Taïm le but de son engagement.
Selon les Catadiens, le monde est un immense diamant dont les pointes effleurent à la surface de la planète. Une de ses pointes se situe au Catadial – on l’appelle le cirque de Varagelle –, une autre dans l’archipel de Vrénalik. Dans cet espace du diamant, des êtres évoluent, dont la Dragonne, qui est la gardienne et la dispensatrice du pouvoir d’Okounnaï grâce auquel le Catadial est le protecteur de la santé du monde. C’est pour séduire la Dragonne, lors de son passage, en dansant pour elle, que l’empereur a engagé Taïm.
Les années passent et les Asvens quittent finalement leur archipel. Pour Anar Vranengal, qui abrite maintenant le Rêveur, c’est le moment d’aller voir Jouskilliant Green, celui qui a tout déclenché. Lors du voyage, des ennuis surgissent le long du fleuve Van, mais Anar, qui revêt la puissance du Rêveur, les aplanit. Le Catadial est à leur portée. Là, Anar ira au cirque de Varagelle où tous dansent pour l’arrivée de la Dragonne. Mais cette dernière se fera attendre longtemps. Quand elle surgira, ne restera que l’empereur et le jayènn pour l’accueillir. Elle restera trois ans, le temps de transmettre son enseignement. À leur tour, ceux qui l’auront rencontrée transmettront la connaissance, et l’espace du diamant deviendra meilleur pour tous les hommes.
Bien plus tard, Taïm, après avoir enseigné la danse à Ister-Inga, reviendra enfin à l’archipel de Vrénalik, où tout a commencé pour lui. Il y terminera le long cycle.
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Commentaires
Quel beau roman ! Outre l’histoire qui est – le résumé le démontre – dense en personnages remarquables et en sages enseignements, l’écriture est une splendeur. On se croirait, tant le ton et le rythme sont maîtrisés, et permettez moi l’audace de cette comparaison, en train de dériver sur le fleuve Saint-Laurent par une belle journée sans vent, tout moteur coupé, entouré du silence bruissant de la mer, de la beauté majestueuse des montagnes du nord et du sud, l’esquif surplombant la simplicité de la masse océane et la vivacité frétillante et secrète de sa vie écaillée. Je me permets cette comparaison car, tout comme les beautés de la nature, jamais l’écriture d’Esther Rochon ne verse dans le spectaculaire. Pourtant, des scènes spectaculaires, ce livre en regorge. Mais ces scènes demeurent calmes, douces, très étales, pourrais-je dire. Ainsi l’arrivée de la Dragonne, pour donner un exemple concret. Annoncée par quelques coups discrets sur une porte, son entrée n’en contient pas moins l’essence même du spectaculaire par son côté réaliste, simple, “réel”. Qui a dit qu’il fallait toujours des effets spéciaux à la Star Wars pour générer le spectaculaire ?
Les personnages possèdent eux aussi cette dimension qui les rend si attachants au lecteur. Les critiques parlent souvent de la présence ou de l’absence d’une troisième dimension chez les protagonistes. Pour L’Espace du diamant, je parlerais d’une quatrième dimension, celle de l’intériorité. Au fil des pages sont mis à nu des hommes et des femmes qu’un destin tragique agite sans condescendance. Ces personnages, tout en se laissant ballotter lorsqu’ils ne peuvent faire autrement, n’en prennent pas moins conscience de leur emprise sur l’univers. De cette prise de conscience, ils tirent les enseignements et la sagesse nécessaires pour affronter l’avenir de façon sereine, non pas le dos courbé par la soumission mais bien la tête haute. Ainsi Strénid qui, au Nord, est chef, devient sans aucun regret au Sud une personne anonyme parmi la masse, à l’instar de Taïm, jayènn au Nord et chômeur au Sud, à Ister-Inga. Toujours le cycle, la roue qui tourne, la vie qui avance, sans brandir de poings ni de pancartes…
Après le monde magique et ensorcelé de Vrénalik, société ascétique s’il en est une, viendra donc Ister-Inga l’industrieuse, la populeuse, celle qui crée la solitude à plusieurs et la richesse non partagée. La confrontation des deux mondes à travers le prisme des personnages principaux sera intéressante. Pour ceux qui auront lu Les Dépossédés de Le Guin, le parallèle sera évident. On pourra penser aussi aux civilisations amérindiennes, habitées par leur réalisme magique, face à cette Amérique cartésienne des Occidentaux. Cependant, Rochon va plus loin en imaginant le Catadial. C’est un nouvel état du monde, une nouvelle façon de voir les rapports sociétaux qui sont explorés dans ce pays pas comme les autres. Et ce Catadial, avec son Empereur au service de tous les êtres, le laisser-mourir, le bénévolat plaisant, le plein emploi, les rémunérations inversement proportionnelles aux perspec-tives d’avenir et d’espace, la croyance à l’espace du diamant et à la Dragonne… n’est-ce pas une tentative de représenter ce que pourrait donner la réunion de nos deux peuples, de l’occidentale Amérique et de la magique Amérique amérindienne ? Chose étonnante, ce concept d’osmose des nations américaines, où le spirituel viendrait de la tradition amérindienne et le concret de la science occidentale, est souvent envisagé dans certains milieux, sans jamais en arriver aux solutions permettant d’atteindre cette fusion cependant.
Pays entre deux mondes, peuple aux coutumes fascinantes, le Catadial se veut cet exemple rare d’utopie dystopique où les tares d’un extrême sont compensés par les tares de l’autre. Encore une fois, l’équilibre, le lent mouvement de balancier de la vie, inépuisable, toujours renouvelé.
L’Espace du diamant, c’est aussi la fin d’une trilogie – En hommage aux araignées et L’Épuisement du soleil – qui aura mis plus de vingt-cinq ans à germer dans les pensées de l’auteure. Somme “tranquille”, raisonnée, pacifique, on sent, lorsque les personnages arrivent au seuil de leur vie, à la fin du roman, que la boucle est bouclée, qu’un tour complet d’un cycle narratif se termine. Une profonde paix les envahit, tous étant enfin en accord complet avec l’univers matériel et immatériel.
Est-ce ça, la sagesse ? Esther Rochon, qui tout au long de son roman a semé ses adieux au monde de Vrénalik, semble nous dire que oui, c’est là que résident la sagesse… et le bonheur.
Sans doute le plus beau roman d’Esther Rochon et l’une des œuvres majeures de la littérature québécoise, tous genres confondus.
Avant de clore, j’aimerais attirer votre attention sur un détail qui a son importance même s’il est bassement matériel : le montage du manuscrit. Pour une raison que je ne peux m’expliquer, certaines – je devrais dire plusieurs, des centaines sinon des milliers ! – lignes de texte ont subi une compression hors de l’ordinaire. Que ce soit en composition classique ou en mao (montage assisté par ordinateur), il est toujours possible d’ajuster l’espacement des caractères pour éviter les césures trop nombreuses ou les rivières dans le texte. Mais ici, cette compression dépasse les normes de bon goût et de lisibilité. Alors vite que ce tirage s’épuise et qu’un nouveau montage soit fait : L’Espace du diamant mérite mieux que cet amateurisme désolant ! [JPw]
- Source : L'ASFFQ 1990, Le Passeur, p. 165-168.
Prix et mentions
Grand Prix de la science-fiction et du fantastique québécois 1991
Références
- Colas, Hélène, imagine… 56, p. 135-138.
- Côté, Lucie, La Presse, 31-03-1991, p. C1-C2.
- Martin, Christian, Temps Tôt 21, p. 42.
- Ménard, Fabien, Solaris 95, p. 26-27.
- Moinaut, José, Magie rouge 34-35, p. 13.
- Trudel, Jean-Louis, Samizdat 19, p. 23-24.
- Vanina, Suzanne, Magie rouge 34-35, 13.