Éternel Enfant (L')

Il a toujours existé, éternel errant dans les multiples corps d'enfant qu'il emprunte lorsque les choses tournent mal. À un certain moment, dans il ne sait plus quel corps, il rencontre Simon, atteint de progérie, cette maladie qui fait vieillir si vite…

Un texte touchant de la nouvelle rédactrice en chef de L’Écrit primal, sinon totalement satisfaisant. Car avec une idée aussi forte, on aurait aimé une plus grande implication et, surtout, une exploitation plus à fond de cette thématique de l’éternel enfant errant, ici à peine effleurée et pourtant aussi riche que celle du juif errant – lire adulte errant – mais plus rare­ment explorée.

L’écriture est compétente, efficace – faire la jonction avec un enfant atteint de progéria est une belle trouvaille – et l’enchaînement des scènes crédible bien qu’un peu rapide. Mais n’est-ce pas le problème des nouvelles courtes lorsqu’on veut raconter une histoire dramatique ?

J’ai cependant des réserves sur certains détails. Lorsque l’auteure, entre autres, fait dire à son personnage qu’il aime autant ne pas savoir ce qui arrive aux corps d’emprunt lorsqu’il les quitte. Ces corps qui « tombaient comme des mouches » attisent la curiosité sans la rassasier. Plus, ce genre d’indication pose des problèmes de crédibilité : si l’éternel enfant change de corps dans son quartier depuis si longtemps, comment a-t-on pu ne pas se rendre compte de l’hécatombe ? Je sais, le propos n’est pas là, mais ça me chicote : c’est mon côté "science-fictionneux", probablement.

Malgré cette réserve et quelques autres ayant trait aux caractères développés, « L’Éternel Enfant » demeure un texte agréable. Je me plais même à espérer que Christiane Lahaie développe l’idée qui le sous-tend plus à fond : il y a là le remarquable germe d’un futur roman. [JPw]

• Source : L'ASFFQ 1989, Le Passeur, p. 104.