À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
Le 30 juillet 1991, Carl Rosnovski, policier canadien, découvre que son ami Raymond Beaulieu n’existe plus. Personne ne se souvient de l’homme et il ne reste aucune preuve écrite de son existence… sauf une mallette que Carl reçoit d’un notaire. Le manuscrit qu’elle contient relate l’enquête de Raymond pour retracer les interventions d’un mystérieux personnage aux multiples noms, mais toujours surnommé W. L’étrange monsieur W surgit à bien des points tournants d’une histoire qui n’est qu’en partie celle du monde de Rosnovski. Avec Norma, autre personne qui se souvient de Raymond, Carl poursuit les recherches… mais l’organisation spatiotemporelle, qui se sert d’agents surnommés W et a changé l’histoire pour recruter Beaulieu, veille. Elle interviendra une nouvelle fois.
Commentaires
Le début et la conclusion reprennent des idées usées jusqu’à la corde. L’homme qui se réveille un jour dans un monde différent fait partie des poncifs du genre, de même que la patrouille spatiotemporelle opérant hors du temps (comment, d’ailleurs ?) Marilyn Monroe revient souvent dans les textes de cet acabit, comme ici.
L’auteur n’explique jamais comment Rosnovski a conservé le souvenir de Beaulieu en dépit du changement de l’histoire – les scènes finales suggèrent que les agents spatiotemporels doivent gommer individuellement chaque trace de l’existence d’un individu « effacé », ce qui paraît aberrant quand on peut changer l’histoire à sa guise. Quant à Norma, c’est un personnage surnuméraire sans rôle défini – l’auteur voulait-il relancer l’intérêt des lecteurs par une nouvelle péripétie ? « L’Étrange monsieur W » semble avoir été écrit à la va-comme-je-te-pousse, l’auteur tirant chaque incident de son chapeau au moment opportun.
Les pages les plus intéressantes se situent entre le début et la fin. L’auteur échafaude une enquête fascinante, au cours de laquelle le cas W prend des proportions de plus en plus vertigineuses. Le choix des moments historiques où intervient l’étrange monsieur W n’est pas banal et l’importance rafraîchissante que Morin accorde au volet culturel tranche sur les récits du même type qui ne s’attachent qu’à l’histoire classique.
Le tout est bien écrit et les premières lignes, même si elles manquent d’originalité, sont accrocheuses. La fin cependant ne tient pas les promesses des pages précédentes : qui sont donc ces agents spatiotemporels ? D’où viennent-ils ? Pour qui ou pour quoi travaillent-ils ? Agiraient-ils purement pour le bien de l’humanité, comme le laisse sous-entendre une réplique ? C’est un peu gros et cela ne répond pas aux autres questions.
Si la SFQ doit continuer à s’améliorer, les textes de ce genre devront soutenir la comparaison avec les classiques du genre, d’hier (pensons à Poul Anderson) et d’aujourd’hui (pensons à Great Works of Time de John Crowley). Pour l’instant, Hugues Morin est plus près d’Anderson que de Crowley. [JLT]
- Source : L'ASFFQ 1992, Alire, p. 141-142.