À propos de cette édition

Éditeur
Logiques
Titre et numéro de la collection
Autres mers, autres mondes - 10
Genre
Science-fiction
Longueur
Roman
Format
Livre
Pagination
291
Lieu
Montréal
Année de parution
1991
ISBN
9782893810461
Support
Papier
Illustration

Résumé/Sommaire

Au début des années cinquante, Manuel Luis Cardasso, un émigrant mexicain, entre clandestinement aux États-Unis dans l’espoir d’y trouver une vie meilleure et finit par échouer au Québec. Là il tentera de se tailler une place dans cette société d’accueil pas toujours accueillante… Lorsque sa fiancée Bernadette Boland se retrouve enceinte, Manuel se voit confronté au racisme du père Boland qui ne veut pas de lui comme gendre ; le mariage a lieu quand même, mais l’accouchement ne se fait pas sans peine. Bernadette succombera peu après la naissance de Roberto que Manuel sera forcé de céder en adoption.

Un demi-siècle après l’odyssée du Mexicain errant, le Regroupement souverainiste tient à Montréal son congrès d’investiture, à la veille de la possible indépendance du Québec. Son chef, François Lecours, doit tenter de concilier les forces antagonistes qui menacent de faire éclater son parti, les nationalistes purs et durs qui ne voient en l’immigration qu’un abâtardissement de la nation et les autres, pour qui le salut du peuple québécois passe par son ouverture au monde. Le roman retrace le déroulement des politicailleries et alliances de coulisses auxquelles Lecours doit se livrer s’il veut conserver sa chefferie.

Commentaires

Je ne me souviens plus très bien qui a dit que tout romancier cachait un essayiste (probablement Confucius !), mais j’ajouterai pour ma part, après lecture du roman d’André Montambault, qu’il en est certains qui le cachent moins bien que d’autres…

Professeur au niveau collégial et intervenant en matière de « transculturalité », Montambaut nous présente avec Étrangers ! un premier roman d’anticipation politique qui n’a au fond de SF que l’époque où se déroule son action, et encore. Comme l’a noté un autre chroniqueur, la description de ce Québec futur colle si parfaitement à la réalité actuelle qu’on se demande à quoi peut bien servir ce léger décalage temporel. Disons-le franchement, si l’auteur avait situé son intrigue aujourd’hui, ça n’aurait pas changé grand-chose à son déroulement.

On me pardonnera ce cliché : j’aurais aimé aimer ce roman – d’autant plus que le sujet, il va sans dire, me touche de manière très intime. Le projet était ambitieux : Montambault voulait exposer les tiraillements et contradictions du Québec contemporain face à la question nationale et au rapport avec les immigrants et leurs descendants. Même si l’auteur maîtrise toutes les adresses de la narration réaliste, il n’arrive jamais à nous faire oublier sa présence de dialecticien. Son récit souffre, en plus, de défauts de construction et l’écriture n’est pas exempte de certains maniérismes.

Défauts de construction : je m’explique. La narration présente deux histoires en montage parallèle, pour employer un terme cinématographique. D’un côté, celle d’un congrès du Regroupement souverainiste ; de l’autre, celle des pérégrinations de Manuel qui quitte son pays en direction du Nord dans l’espoir d’échapper à la misère. Au lieu de contribuer à accroître le suspense comme le cherchait probablement l’auteur, cette alternance d’un récit à l’autre, de chapitre en chapitre, confère à la narration un caractère « mécanique » qui finit par lasser à la longue. À vrai dire, ces perpétuels retours sur l’histoire de Manuel et de l’enfant qu’il devra céder en adoption incitent le lecteur à chercher lequel des personnages du présent se révélera être l’adulte qu’il est devenu — voilà qui, d’une certaine manière, achève d’évacuer le peu de surprise que comporte le roman.

Le style, plutôt utilitaire, n’aide pas à dissiper l’ennui qui se dégage de certaines pages. Si les portraits du déraciné mexicain et de François Lecours, chef sortant du Regroupement souverainiste, ne manquent pas de chaleur et de justesse, ceux de la majorité des adversaires de ce dernier, méchants nationalistes à tendances fascistes, ressemblent à des caricatures. Tous entrent et sortent de la trame narrative à peu près de la même manière, selon les besoins de la démonstration. Encore là, l’essayiste se trahit car ses personnages ne nous apparaissent pas comme des êtres vivants mais simplement comme les figures incarnées des idées contradictoires qu’il cherche à analyser et critiquer. Aussi le manichéisme simplificateur dont l’auteur use pour camper les conflits internes du parti laisse trop percer ses propres positions sur les questions soulevées ; cette intervention extradiégétique oriente la lecture d’une manière un peu trop autocratique, ne laissant pas au lecteur le loisir de forger sa propre opinion. Enfin, la description fort convaincante de l’ambiance du congrès politique, avec les inévitables magouilles de coulisses, révèle une connaissance indiscutable du sujet, mais elle relève davantage du reportage romancé que de la fiction littéraire.

Quoi qu’il en soit, nul besoin de terminer sur une note si sévère ; il s’agit après tout d’une première excursion dans le domaine de la fiction qui, à défaut de se classer parmi les œuvres marquantes de l’année en SF ou en littérature générale, offre tout de même quelques bons moments de lecture et pose des questions très pertinentes sur l’avenir du Québec. Tout ça pour dire qu’on surveillera attentivement les œuvres subséquentes de M. Montambault… [SP]

  • Source : L'ASFFQ 1991, Le Passeur, p. 121-123.

Références

  • Croteau, Paul-G., imagine… 59, p. 101-102.
  • Lord, Michel, Lettres québécoises 65, p. 31-32.
  • Pelletier, Francine, Samizdat 22, p. 31-33.
  • Trudel, Jean-Louis, Solaris 100, p. 61.