À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
Victor Carlton, président de la Kébex, une compagnie qui recueille et incinère les ordures de la métropole québécoise, est étranglé dans les toilettes d’un grand restaurant. Son assassin, Paul Winston, est écœuré par l’hypocrisie du système, peuplé de politiciens qui refusent de faire face à la réalité. Il se remémore sa compagne Monique, emportée par une drogue mortelle, le Mastic, probablement mise en marché avec la complicité du gouvernement. Il est 22 h 15 : l’heure à laquelle les cheminées de la Kébex crachent leurs nuages empoisonnés que l’on persiste à prétendre inoffensifs…
Commentaires
Benoît Dutrizac s’en prend ici à l’hypocrisie politique, à l’inertie des dirigeants face à la dégradation de l’environnement, à la toute-puissance de l’argent, à l’indifférence des riches face au sort des pauvres. Noble combat que celui-là ; alors, pourquoi l’expression « littérature de chialage » m’est-elle venue à l’esprit à la lecture ?
C’est sans doute parce que le tableau brossé par Dutrizac est excessif au point d’atteindre le grotesque. Victor Carlton n’est même pas un stéréotype, il est une caricature grossière, et je peux difficilement m’indigner devant les agissements d’une créature de dessin animé. De même pour les manœuvres de la Kébex, dont la tâche est censée être de « comprimer et raréfier les gaz toxiques en gaz thermodynamiques » : comment voulez-vous prendre un tel charabia au sérieux ?
Mais Dutrizac, du moins dans certaines parties du texte, veut être sérieux : les souvenirs de Monique sont empreints d’amertume, l’indignation de Paul est bien réelle (d’ailleurs, ce nom de Winston ne rappelle-t-il pas Winston Smith, protagoniste de 1984 ?). Sauf que le reste est trop scato-bouffon, surchargé, oscillant entre la dystopie et la satire trop vite torchée.
Pourtant, ici et là surnagent quelques images fortes : les aspects de l’usage du Mastic, ou cette description où, pour une rare fois, le style de Dutrizac trouve un bon rythme : « Désormais, la fée travelo et accro au crack échangeait les dents de sagesse […] contre des armes blanches. » Hélas, à vouloir hurler son indignation trop fort, Dutrizac s’y brise la voix. [YM]
- Source : L'ASFFQ 1993, Alire, p. 82-83.