À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
L’histoire se déroule au XIIIe siècle, dans un château qu’habitent les frères Waleran et Ildefonse. Le seigneur Waleran épouse sa cousine Ida, sans savoir que son frère cadet éprouve de l’amour pour elle. Le couple file le parfait bonheur. Miné par la jalousie, Ildefonse s’isole et se rembrunit. Waleran est appelé à combattre au loin. Il laisse à Ida son faucon capable de porter des messages sur de grandes distances. Pendant son absence, le château est assiégé. Averti par le faucon, Waleran revient. Trop tard. Il découvre le cadavre ensanglanté de sa femme. Ildefonse a survécu au massacre. Il cherche à se rapprocher de Waleran. Un jour, les deux frères descendent aux oubliettes. Seul Ildefonse en revient. Depuis ce temps, des gémissements se font entendre la nuit.
Commentaires
Une seule phrase à la toute fin du texte permet de rattacher « Le Faucon de Waleran » à la littérature fantastique. Les véritables conditions de la mort de Waleran restent mystérieuses même s’il est clair que le responsable en est Ildefonse. Les gémissements nocturnes inquiètent les habitants du château. C’est sans doute l’âme de Waleran qui, errant dans les oubliettes, cherche à rappeler l’horrible fratricide qui y fut commis.
Firmin Picard veut montrer, dans cette nouvelle, que l’envie peut conduire aux pires crimes. Mais l’auteur n’arrive pas à bâtir une intrigue solide, à faire sentir le déchirement intérieur d’Ildefonse ou le désespoir d’Ida. Toutes les émotions sont effleurées. Picard s’en tient aux grands clichés dans la description de ses personnages comme dans leurs réactions. Waleran est blond et il a les yeux bleus. C’est un chevalier absolument parfait. Ildefonse a les cheveux noirs et les yeux bruns. Il a quelque chose d’hypocrite dans le regard. Les deux frères étaient inséparables jusqu’à ce que le mariage survienne… Quant à Ida, elle est pieuse, douce et d’une « beauté virginale ». Elle a résisté à l’assaut avec une dignité et un courage exemplaires.
« Le Faucon de Waleran » souffre d’importantes lacunes sur le plan narratif. L’auteur imagine un triangle amoureux pour amorcer l’intrigue. Mais la piste n’est pas approfondie : il n’y a ni confrontation ni révélation entre les personnages concernés. Ils semblent étonnamment indifférents les uns aux autres. Pourtant, l’éloignement de Waleran aurait dû rendre plus présent Ildefonse auprès de la belle Ida. L’homme aurait pu manœuvrer pour assouvir sa secrète jalousie. Rien de cela. L’intrigue n’arrive pas à se resserrer. L’auteur délaisse Ildefonse et fait plutôt intervenir des troupes ennemies. La nouvelle idée (le siège du château) est sans lien véritable avec l’intrigue amoureuse et la jalousie d’Ildefonse. Le frère cadet s’efface devant la tournure des événements ; il continue simplement à nourrir de sombres pensées. Il aurait été plus crédible qu’il se fasse complice de la mort d’Ida ou encore qu’il trahisse les siens…
Enfin, le lecteur s’attendait à ce que le faucon soit au cœur de l’histoire. Le titre le présageait. Or l’oiseau est pratiquement absent et son rôle (messager fidèle) n’est qu’accessoire. Il n’y a donc pas de personnage principal dans « Le Faucon de Waleran », non plus qu’il n’y a de fil conducteur. L’auteur s’engage dans plusieurs voies mais n’en exploite aucune. La tension n’atteint jamais d’intensité. Voilà donc un texte décevant dans lequel le fantastique est d’ailleurs à peine perceptible. [RP]
- Source : Le XIXe siècle fantastique en Amérique française, Alire, p. 156-157.