À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
La télépathe et écrivaine (auteure de fictions hypertextuelles linéaires ou combinatoires), Lorina Stadel, déambule dans le quartier portuaire du Paris du XXIVe siècle dans le but de surprendre les pensées de Joachim Barrientes, rédacteur en chef de la dernière revue de SF, Fantascience. Une explosion a lieu et bientôt une inspectrice de la Gestion des Variances lui apprend que Joachim Barrientes a été assassiné et qu’elle est certaine de la culpabilité de Lorina. Elle base sa certitude sur sa faculté de pouvoir lire le passé de n’importe quel objet (ou personne) par le simple toucher. En ce sens, elle a vu Lorina commettre le meurtre. Nulle autre preuve n’est nécessaire.
Malgré ses protestations, Lorina est amenée à la Coop de création littéraire où elle travaille car l’inspectrice veut y recueillir quelques renseignements supplémentaires sur l’emploi du temps de l’écrivaine. Un Statisticien les y attend. Il s’agit de Thomas Nguyen qui, informé de l’affaire, a fait sa propre enquête. Celui-ci disculpe Lorina. Le véritable coupable est un collègue de cette dernière, un ancien adversaire de champ de bataille de Barrientes. Le Statisticien en profite pour mettre en doute les talents psy respectifs des deux femmes. Mais, sur ce point, il se trompe…
Commentaires
Jean-Louis Trudel a bien dû s’amuser en écrivant celle-là. Pensez-y : pouvoir deviner ce qui se passe dans la tête de son éditeur, savoir à l’avance ce qu’il désire, ce qu’il aime et ce qu’il attend de ses auteurs, cela n’est-il pas le fantasme ultime de l’écrivain ?
Ce que ne montre pas le résumé qui précède, et ce qui fait la qualité particulière de cette nouvelle, c’est le monde fascinant qui se révèle à chaque ligne. Car, il faut bien le dire, l’enquête policière elle-même est mince et satisfera bien peu l’amateur d’énigmes ou le lecteur friand de polars. De même, la structure elle-même de la nouvelle n’est pas sans défauts. Peut-être conscient de la linéarité un peu plate de son texte, l’auteur s’est efforcé de la briser en introduisant deux passages en italiques annonçant la suite des événements, passages qui intriguent, certes, mais dont la nécessité disparaît une fois la lecture terminée.
Non, je le répète, ce qui fait l’intérêt de « Fictions et fantascience », ce sont les innombrables détails qui révèlent le monde dans lequel évolue la protagoniste, monde à la fois familier et radicalement différent de celui qu’on connaît. Un monde où la population a atteint les soixante milliards d’individus, où un village bosniaque est établi au cœur de Paris, où le cancer est vaincu pour de bon, où les moyens technologiques permettent à un auteur d’envisager la conception d’une fiction comportant soixante milliards de personnages. La bibliothèque de Babel enfoncée, je vous dis ! Et que dire de la délicieuse critique des pouvoirs psy que nous sert le Statisticien Nguyen à la fin de la nouvelle ? Il y a là matière à un roman. Le lirons-nous un jour ?
J’avoue avoir été particulièrement sensible à l’évocation de Fantascience, ultime créneau, dans un monde où la science-fiction est un phénomène quotidien, des récits de ce que nous appellerions de nos jours science-fiction. Que sera la SF du XXIVe siècle ? L’auteur se garde bien de répondre, laissant à notre piètre imagination le devoir de se la figurer. Je n’ai pu m’empêcher de penser à la revue Fantasie qui faisait tout l’intérêt du premier roman de Vernor Vinge, Grimm’s World (1969).
Merci, monsieur Trudel. [GS]
- Source : L'ASFFQ 1997, Alire, p. 174-175.