À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
Les Fondrakiens ont depuis longtemps fui la plaine pour vivre dans la forêt et ont adopté un mode de vie communautaire reposant sur le partage. Un jour, Liyelle la tisserande donne naissance à une fille sous la pluie, dans la plaine qu’elle explorait en lisière de la forêt. Cette fille, Oragayen, est curieuse et difficilement satisfaite des réponses fournies par les adultes. Lorsqu’elle visite Juklo pour suivre l’enseignement des maîtres, elle choisit très tôt de consulter le Kom-Valikard, le maître spirituel des Fondrakiens, pour que son destin lui soit révélé. Mais le Kom-Valikard ne peut rien lire dans l’âme d’Oragayen et il est même aveuglé par ce qu’il y voit.
Méprisant les avertissements des Fondrakiens, Oragayen et son ami Guéruc rassemblent peu à peu les jeunes laissés sans destin depuis l’aveuglement du Kom-Valikard. Ils partent fonder une ville dans la plaine. Mais la fille à qui Oragayen a donné naissance tombe malade. Quand Oragayen l’amène à Juklo, les chênes sacrés reconnaissent en la jeune Terfayen la prochaine Kom-Valikard. Égarée par la douleur, Oragayen s’enfuit et disparaît. Le vieux Kom-Valikard touche du doigt son rôle dans la tragédie que cette séparation des Fondrakiens annonce. Et Guéruc, furieux d’avoir perdu sa femme et sa fille, forge dans la plaine un peuple promis à l’hostilité envers la forêt et les Fondrakiens, en mémoire d’Oragayen, la fille de la pluie.
Commentaires
Influencé par une illustration très manga, j’ai été tenté à la relecture de lire cette histoire comme un de ces contes japonais où le merveilleux moderne naît de la rencontre d’anciens et de nouveaux mythes. Toutefois, le ton particulier de l’auteur m’a plutôt rappelé la poésie discrète de certains auteurs d’ici comme René Beaulieu et Esther Rochon. Sous la simplicité, la profondeur. Derrière l’anecdote, une douloureuse interrogation du destin.
Dans une certaine mesure, tout l’intérêt du texte se retrouve dans son intrigue. Ferron décrit habilement l’enchevêtrement des destins. Il évoque discrètement les aspirations, les frustrations et les culpabilités qui façonnent les vies d’Oragayen, du Kom-Valikard et de Guéruc. Au bout du compte, c’est la peur que les Fondrakiens éprouvent pour la plaine et tout ce qui y est associé qui suscite cela même qu’ils craignaient. Mais si c’était le sort d’Oragayen, fixé de toute éternité, la cruauté de son destin devient d’autant plus tragique. L’intelligence suprême de Ferron, c’est de jouer sur cette double fatalité et de conclure sur la fin redoutée depuis le début.
Il s’agit bien de fantasy, mais la magie est discrète. Là où la fantasy est souvent, soit manichéenne, soit monothéiste, celle de Ferron a des racines plus anciennes, animistes et aimablement païennes. Mis à part les coquilles imputables à Protoculture, l’écriture est correcte, le rythme vif et nerveux. Le texte pourrait être plus riche et le monde mis en place un peu moins clos et douillet, mais je crois qu’on aura plaisir à retrouver ailleurs la voix de Mathieu Ferron. [JLT]
- Source : L'ASFFQ 1997, Alire, p. 89.