À propos de cette édition

Éditeur
Librairie de l'Action canadienne-française
Genre
Science-fiction
Longueur
Novella
Format
Livre
Pagination
107
Lieu
Montréal
Année de parution
1931
Support
Papier
Illustration

Résumé/Sommaire

Au seuil du 25e siècle, la Terre est devenue une vieille planète qui ne peut plus supporter et nourrir ses milliards d’habitants. La croûte terrestre s’effondre et il n’y a plus aucun continent qui soit sûr. Les êtres humains doivent quitter la planète ou mourir avec elle. Des savants étudient diverses solutions pour sauver l’humanité. Un scientifique réputé, Herbert Stinson, le héros du roman, trouvera le moyen d’évacuer les Terriens vers la planète Mars qui représente le salut. Stinson imagine la construction d’une colonne d’air, alimentée d’ondes de Hertz, qui servira de pont entre la Terre et Mars et qu’emprunteront les aérobus chargés de passagers. Le savant évalue à trente-trois jours la durée du trajet. Cette colonne d’air est générée par l’énergie électrique en provenance des chutes Niagara. La flotte, qui compte 65 000 aérobus, peut transporter 390 millions de passagers, soit 6000 par appareil.

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Commentaires

Le titre du roman d’Emmanuel Desrosiers, publié en 1931, pourrait nous laisser croire qu’il s’agit là d’un autre roman agriculturiste comme en compte tant la littérature canadienne-française de cette époque. Ce serait plutôt le premier roman-catastrophe de nos lettres puisque l’auteur décrit la désagrégation de la planète. Desrosiers s’appuie grandement sur le développement technologique prévisible. C’était le règne de l’électricité qui s’annonçait.

Il est remarquable que dans les romans de science-fiction de cette époque, la science serve de caution à l’histoire. Pour rendre crédible et vraisemblable la description des événements, Emmanuel Desrosiers utilise abondamment le discours scientifique. Florent Laurin ne procédait pas autrement pour expliquer la colonisation et le réchauffement du Grand Nord dans Erres boréales.

Conséquemment, on ne sera pas surpris de remarquer que tous les personnages sont des hommes de science : Hermann Stack, collègue de Stinson, Herbrôm Shneer, réputé physicien et géologue qui prône la survie sur la Terre, Gustav Ohms, biologiste qui sombre pathétiquement dans la folie. C’est d’ailleurs le personnage le plus humain, les autres étant avant tout des véhicules de théories scientifiques et des moteurs de la narration. En ce sens, La Fin de la Terre ne fait pas exception à la règle des romans de SF de cette époque : les personnages n’ont aucune présence, aucune épaisseur romanesque. Ou ils sont naïvement sentimentaux et versent dans la sensiblerie ridicule comme chez Florent Laurin, ou ils sont froids, impassibles et cérébraux comme chez Desrosiers.

Au moins, ce dernier nous fait-il grâce du discours moralisateur qui fleurit trop souvent dans les œuvres de cette époque. Son roman ne contient pas non plus un éloge de la religion catholique, ce qui le rend finalement très acceptable et de lecture agréable. Cela est d’autant plus étonnant que l’auteur se permet une allusion à la sauvegarde de la langue française, préoccupation qui va de pair ordinairement avec la foi catholique.  « La vieille race canadienne-française avait résisté à l’envahissement des idiomes étrangers et conservait encore la langue pure des anciens trouvères du  XXe  siècle.» (p. 81).

Le point de vue narratif privilégié par l’auteur est responsable en grande partie du fait que le lecteur ne se sent jamais vraiment concerné par le récit. Desrosiers se situe en retrait, à l’extérieur des événements décrits. Il consacre beaucoup de pages aux effets de la transformation de la croûte terrestre, aux cataclysmes qui bouleversent les diverses régions du monde, aux millions d’humains qui meurent engloutis par les raz-de-marée ou la lave des volcans. Et pourtant, ces descriptions n’émeuvent pas parce qu’elles sont trop répétitives et prennent la forme d’une leçon de géographie trop bien apprise.

L’auteur se montre plus discret sur l’organisation sociale de la Terre. Tout ce que l’on sait, c’est que les pays semblent avoir fait la paix et qu’un gouvernement mondial, l’Union des Peuples, sorte d’ONU avant la lettre, s’occupe des grands problèmes. Si l’harmonie universelle, la concorde et la fraternité règnent entre les nations, il est tout à l’honneur de l’auteur de n’avoir pas transposé les tensions de son époque dans son récit. Les savants éclairés sont Herbert Stinson, d’origine américaine peut-on supposer, et Hermann Stack, un Allemand.

En fait, un seul jugement raciste transparaît dans l’avant-propos quand l’auteur entrevoit le problème de la surpopulation causée par la Chine, le Japon et l’Inde.  « Il faudra loger et nourrir ces masses jaunes qui déferleront, affamées, vers l’Occident, apportant avec elles un ferment de haine contre toute civilisation blanche.» (p. 10-11).

L’entreprise littéraire de Desrosiers est résumée dans l’avant-propos. La Fin de la Terre est une glorification de l’esprit d’invention de l’homme. La science est présentée comme la solution à tous les maux. Plus tard, on assistera en SF à son rejet et à une mise en garde contre son développement aveugle et néfaste.

Le roman d’Emmanuel Desrosiers évite la plupart des défauts propres aux œuvres qui appartiennent à la préhistoire de la science-fiction québécoise. À ce titre, sa lecture propose une expérience intéressante même si on souhaiterait que l’auteur développe plus les possibilités romanesques de son récit conçu comme un reportage scientifique et objectif.

On peut déplorer que les sentiments humains y soient à peine esquissés. Mais faut-il s’en étonner quand la moitié du monde n’y est pas représentée ? Le préfacier salue « cette originalité unique (du roman) de ne pas contenir un portrait de femme. »  Heureusement, la cause des femmes a progressé depuis un demi-siècle ! [CJ]

  • Source : L'ASFFQ 1984, Le Passeur, p. 135-137.

Références

  • ––––––––––, Les Libraires 91, p. 74.
  • Dorion, Gilles, Dictionnaire des œuvres littéraires du Québec II, p. 497-498.
  • Moreau, Annabelle, Lettres québécoises 161, p. 28-29.
  • Pelletier, Francine, Solaris 197, p. 133-134.
  • Spehner, Norbert, Requiem 18, p. 6-7.