À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
Un jeune veuf, accompagné de sa petite fille de quatre ans, Géraldine, passe ses vacances sur les lieux où, deux ans plus tôt, sa femme s’est noyée. Pendant la nuit, il s’éveille à la voix angoissée de Géraldine. Il l’aperçoit sur le terrain, luttant avec une forme invisible qui l’entraîne. Il se lance à leur poursuite et retrouve sa fille couchée sur la tombe de sa mère. Il la ramène, la couche et, lorsqu’il débouche dans sa chambre, il se voit dans le lit. Alors, c’est comme s’il s’éveillait et apercevait son double au pied de son lit, se dissolvant doucement dans la nuit.
Commentaires
Réjean Bonenfant, dans son recueil La Part d’abîme, démontre de belles qualités d’écriture et une profondeur certaine de l’imaginaire. Ses personnages sont entiers, plausibles, toujours multiples, complexes.
Ici, c’est l’esquisse d’une famille monoparentale où le père trouve à la fois exaltant et difficile son rôle, où l’adulte, face à la solitude et à une enfant qui lui en remontre sur le sens des responsabilités, s’enfonce dans un certain désespoir. Par d’habiles touches, l’auteur réussit à montrer le besoin d’enfance de l’homme et les percées intermittentes de maturité chez sa petite fille, créant ainsi un effet de renversement des valeurs qui décrit bien la relation multidirectionnelle qui s’établit toujours dans une relation adulte/enfant.
Beaucoup plus classique quant à la thématique fantastique, « Géraldine » propose la rencontre du double et si le renversement de point de vue est habilement effectué, la fin de la nouvelle et la signification ultime de cet épisode surnaturel ne sont pas très claires. Un peu comme dans la nouvelle précédente – ce sont les deux seuls textes touchant nos domaines de prédilection dans ce recueil – l’histoire tombe à plat. Le lecteur, après cette expérience particulière, se serait attendu à une plus grande réaction du narrateur mais celui-ci ne réagit guère, se rendort même avec une mince résolution, celle de laisser le quotidien reprendre sa place dans la vie de sa petite famille. Toute la construction de cette nouvelle tend vers une fin, la réclame à cor et à cri, et cette nouvelle ellipse laisse incomplet ce texte qui, sans cela, se serait avéré un beau bijou. On aurait aimé, entre autres, quelques tentatives d’explication de l’expérience. L’homme voit-il la présence invisible qui a amené Géraldine vers la tombe comme une manifestation de la mère, ou comme une matérialisation de son désespoir et du cruel manque de sa femme ?
Malgré tout je dirai, et n’ayons pas peur de nous répéter, que c'est « … une belle nouvelle quand même ». [JPw]
- Source : L'ASFFQ 1987, Le Passeur, p. 49-50.