À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
En 1973, Henri Gosselin a dix ans. Il vient de perdre son père adoré. Encore assombri par son deuil, il décide, par un bel après-midi de juillet, de rejoindre ses trois meilleurs amis pour se changer les idées. Comme ils ne sont pas dans la cabane qui sert d’ordinaire à leurs jeux, Henri s’enfonce dans la forêt où il tombe sur une pyramide noire inconnue, marquée d’une représentation du serpent Ourobouros et dotée d’une ouverture. À l’intérieur, il rencontre Oolang-Nao, en apparence un adolescent blagueur mais en réalité le maître de notre univers. En effet, Oolang-Nao appartient à une race d’êtres immatériels et il a donné naissance à notre univers par inadvertance, après avoir créé le noyau primordial. Depuis, il essaie de garder le contrôle des événements, mais l’intrusion du jeune Henri dérègle le cours du temps.
Quand le garçon ressort de la pyramide, le monde a changé. La disparition de la couche d’ozone est survenue cinquante ans plus tôt que prévu et tout le monde enfile des combinaisons à l’épreuve des ultraviolets pour se promener dehors. En revanche, le père d’Henri n’est pas mort et le garçon retrouve avec joie celui qu’il ne croyait jamais revoir. La nécessité de corriger le cours des événements s’estompe. Cependant, un journal télévisé dramatique, qui fait état de la montée des océans, de la submersion prochaine de l’Australie, de l’apparition d’araignées et de chats mutants, d’une guerre nucléaire imminente, d’un taux de chômage de 41 % au Canada et du cancer de la peau qui atteint la moitié des Canadiens, oblige Henri à changer d’avis.
La mort dans l’âme, le garçon retrouve la pyramide et Oolang-Nao, mais ce dernier est tellement affaibli par le dérèglement de l’espace-temps qu’il doit faire appel à Henri pour intervenir. Tout rentre dans l’ordre, mais Oolang-Nao laisse entendre qu’Henri pourrait retrouver son père après la mort.
Si, vingt-six ans plus tard, Henri a décidé de prendre la plume pour révéler son expérience singulière, c’est pour faire sentir l’urgence de la crise environnementale.
Autres parutions
Commentaires
Le moralisme est une tentation permanente en littérature jeunesse. Face à ses jeunes lecteurs, l’auteur adulte a l’avantage d’une science et d’une expérience de la vie nettement plus étendues, qu’il met tout naturellement à contribution dans ses écrits. Cependant, il peut s’en tenir à agrémenter de ses connaissances, opinions personnelles et prises de position l’histoire qu’il raconte, tout comme il peut chercher à les imposer.
Or, Hervé Gagnon (dont les initiales coïncident avec celles de son personnage) veut persuader. Seulement, le dilemme du jeune Henri manque de subtilité. D’une part, il a eu une enfance heureuse jusqu’à la mort de son père et il lui reste une mère, des amis et tout un monde qui ne se soucie pas encore de la couche d’ozone ou du réchauffement global. D’autre part, il a retrouvé son père, mais le quart de l’Amérique du Nord est sous les eaux du Pacifique, son meilleur ami a la moitié du visage rongée par un cancer, la semaine de travail va être portée à 65 heures et la liste des abris nucléaires sera sous peu affichée partout en raison de la menace d’une guerre atomique entre les États-Unis et la coalition Europe-Asie-Afrique-URSS. Le choix est-il si malaisé ?
L’auteur ne nous épargne pas son mysticisme personnel et conclut en prenant la parole de manière à peine déguisée (dans l’épilogue, la narration adopte soudain la première personne) pour prier ses lecteurs « de faire en sorte que les choses ne se détériorent pas en agissant de façon responsable, en respectant le monde dans lequel nous vivons » (p. 180).
Du point de vue scientifique, l’auteur, qui est professeur à l’Université de Sherbrooke, lie un peu abusivement l’effet de serre et l’amincissement de la couche d’ozone et interprète de travers le Big Bang cosmologique, qui n’a rien à voir avec l’explosion d’un bloc primordial de matière. Inexplicablement, il compare à plus d’une reprise un des instruments d’Oolang-Nao à une console de jeu vidéo, un objet inconnu en 1973, et Henri emploie lui-même cette comparaison (p. 61).
Sinon, Gagnon évoque avec attendrissement les passe-temps d’un enfant en 1973, ressuscitant les illustrés, les voitures et les émissions télévisées de l’époque. La langue est correcte et l’expression claire, même si les descriptions sont parfois un peu lourdes.
Bref, il s’agit d’une variation sur le thème de l’uchronie, mais avec la finesse d’un marteau-piqueur. Gagnon aurait pu recourir à un moyen de déplacement dans le temps un peu plus modeste que le refuge multidimensionnel du seul et unique maître de l’Univers, tout de même… Et il assène à son personnage un chapelet de mauvaises nouvelles qui pousseraient un saint à sacrifier père et mère. En définitive, la démonstration est par trop pipée pour convaincre. [JLT]
- Source : L'ASFFQ 2000, Alire, p. 77-78.
Références
- Spehner, Laurine, Lurelu, vol. 23, n˚ 2, p. 37.