À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
Le Projet Noé et son gaz zanon annihilent six milliards d’êtres humains – délibérément : les deux cent mille survivants, dans leurs arches, doivent créer un monde nouveau là où Dieu a « échoué ». Deux de ceux-ci, Alan et Dan, s’en vont en patrouille et tombent sur une masse de rats grouillant en rangs serrés autour… d’une bouteille en plastique de savon à vaisselle. Alan ensorcelé par la vision de cette bouteille se rend à son appel. Dan ne comprend pas ce qui se passe, mais Alan le lui explique : en massacrant six milliards d’êtres humains, on a saturé « la Gouve des âmes ». Dieu ne veut pas de six milliards d’âmes d’un coup, c’est trop dangereux, elles doivent s’incarner. Et dans quoi ? Dans les milliers – devenus des milliards – de rats présents là. Alan officie en leur faisant lècher la bouteille un par un. Dan tente de s’enfuir, les rats le rattrapent et le lacèrent. Une dernière vision lui montre la nouvelle création, un rat qui grandit dans un cliquetis d’os entrechoqués, avec « une énorme gueule bavante et monstrueuse, mais presque humaine », aux yeux globuleux.
Commentaires
J’ignore dans quelles conditions a été écrite cette nouvelle pour le moins hétéroclite. La bouteille de savon à vaisselle était-elle un motif imposé ? Et est-ce de la SF ou du fantastique rétro ? Le texte est paru dans Horrifique. Le motif apocalyptique en est un qui se balade allégrement trans-genres et l’on sait ce qu’en a fait Stephen King dans The Stand… Mais on bascule très clairement de la science-fiction au fantastique dès l’arrivée de « la Gouve des âmes » (un nom bien trouvé…). Le motif des âmes en rapport avec les corps disponibles m’a alors évoqué une très belle nouvelle également ambivalente du point de vue générique, qui se lisait cependant vraiment comme de la SF, mais dont hélas ! je ne retrouve pas le titre ni l’auteur, et où un scientifique hindou, face à la recrudescence mondiale de bébés nés vivants mais dans un état végétatif, déduit qu’il n’y a plus assez d’âmes susceptibles de s’incarner et se sacrifie pour en fournir au moins une, voulant montrer l’exemple.
On est très loin ici de cette réflexion, puisque le choix de la finale fait carrément basculer le texte dans le grand-guignol fantastique en en réduisant la portée au monstre baveux et au châtiment facile de l’hubris humaine. C’est dommage, le grouillement des rats faisait attendre mieux – même la bouteille en plastique avait au départ un petit côté surréaliste qui n’était pas déplaisant. Mais les écarts de ton et de genre finissent par gâter l’ensemble, en fin de compte. [ÉV]
- Source : L'ASFFQ 1994, Alire, p. 136-137.